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LASTDAYS

CONTROL

2 Octobre 2007 , Rédigé par Kitano Publié dans #Films

Une personne extérieure à l’action, voilà comment on pourrait définir la personnalité de Ian Curtis, icône du mythique groupe JOY DIVISION à la fin des années 70, source de la tendance musicale cold wave.

Comment aborder la vie d’une célébrité sans tomber dans les travers du biopic à l’américaine ? Comment parler de la carrière d’un chanteur rock sans en faire un film musical ? Comment ne pas tomber dans les clichés tout en essayant de restituer une réalité qui va détruire l’image de Sex, Drug & Rock n’roll ?

Anton Corbijn va y répondre avec vivacité et sensibilité avec son premier film. De son métier de photographe, il va garder la couleur noir et blanc qui correspond à l’ambiance de Macclesfield, Manchester et des sentiments partagés de ce jeune homme qui au fur et à mesure va perdre le contrôle de sa vie. Nul d’autre que Corbijn pouvait essayer de retranscrire la vie perturbée, la personnalité déchirée de Ian Curtis. Il avait en début de carrière photographiait le groupe, participant à l’iconographie du chanteur.

Contrairement au film de Mickael Winterbottom sur Manchester ’24 hour party people’, on n’a pas l’impression d’être face à des faits qui construisent un film - même avec de bons sentiments - mais à une histoire dont on peut penser que c’est une fiction. L’angle pris d’être plus dans le cœur et dans la tête de Ian Curtis fut le bon choix.

Une autre référence cinématographie vient tout de suite à l’esprit, celle de Gus Van Sant avec LAST DAYS. Dans ce cas là, c’était la vie de Kurt Cobain et plus précisément ses derniers jours. Le film était étouffant tellement on se sentait dans un esprit prisonnier dont on sait qu’il n’y avait pas d’échappatoire possible hors la mort. On peut rapprocher la scène du personnage de Kurt avec Kim Gordon (chanteuse, bassiste de Sonic Youth) annonciatrice de la fin tragique : une discussion du chanteur avec un adulte. On retrouve cette scène entre Ian Curtis et Tony Wilson dans le club après un concert. Mais le ton est différent : Tony Wilson essaye de rassurer, d’être positif. C’est là aussi une différence de ton et d’ambiance.

A la fin du film de Corbijn, on est triste. Triste de cette fin tragique, triste de ne pouvoir aider une personne prise dans ses contradictions, dans une spirale que sa sensibilité ne peut plus assumer. A ce stade, il faut mentionner que le scénario a été bâtie par rapport au livre de Debbie Curtis la femme de Ian et l’on peut mentionner qu’il y a – peut-être – une différence avec la réalité car sur le mot laissé lors de la première tentative de suicide, Ian écrira : « au moins, on ne se disputera plus ». On ne verra jamais de dispute avec Ian, marié trop jeune (19 ans), père trop jeune dont il n’assumera pas la paternité en toute conscience. Son couple fut une erreur et pourtant, c’est lui qui a voulu le mariage, l’enfant sans être ensuite capable de rompre après avoir rencontré celle qui pouvait lui faire vivre une histoire d’amour (« Macclesfield est triste et gris. J’ai toujours voulu m’y échapper. Ma femme veut y rester »).

Le portrait nous montre un jeune homme froid, distant, ennuyeux (‘tu es la personne la plus ennuyeuse que je connais’ dira Annik sa maîtresse), pas communicatif avec son groupe et encore moins avec sa femme. L’image récurrente est celle de Ian arrivant dans son quartier avec en paysage de fond une colline et ce noir et blanc, plus proche du gris, gris teinte de tristesse.

Dans les scènes avec le groupe, pour le fan que je suis, c’est un plaisir de mettre un visage sur le nom du roublard qu’était Rob Gretton, de voir Tony Wilson, de découvrir l’ambiance dans le groupe avec Barney (de son vrai nom Bernard Sumner) l’inquiet, Pete Hook le bassiste (il composa la musique des premiers titres de Warsaw) au comportement rock et bien entendu Steven Morris, toujours en retrait mais gentil batteur dans le rythme. On peut les comprendre, ils étaient jeunes.
Si le film est réussi à  ce point , c'est aussi par la composition de Sam Riley qui en plus d'une composition parfaite arrive au chant  à retranscrire la voix  grave et la gestuelle saccadée unique  de  Ian  Curtis.

Le film resitue dans son contexte, la musique, les influences (Bowie, le Velvet, Sex Pistols), la montée vers l’inéluctable. Ian Curtis en plus d’avoir le cœur partagé devait faire face à des crises d’épilepsie. Devoir choisir entre son travail de placement à l’ANPE anglaise et son groupe fut facile mais ne pas contrôler son cœur et son corps cela faisait trop. « C’est comme une personne s’était glissé en moi ». Barney dira plus tard, beaucoup plus tard (au XXIe siècle) : « je pense qu’il aurait arrêté de chanter pour écrire ».

Plus qu’un film rock, qu’un film sur la vie d’un chanteur, qu'un film musical, Anton Corbijn a réalisé un film d’une sensibilité amère sur un destin. En cela CONTROL restera comme le film biopic de référence mais surtout comme un film respectueux en émotion transcendée lorsque résonne les notes de la dernière chanson, dernière composition enregistrée par le groupe (Atmosphère).  

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