Le photographe britannique David Hamilton, 83 ans, a été retrouvé mort vendredi soir dans son appartement du VIe arrondissement de Paris, «en arrêt cardiorespiratoire», selon l’AFP qui précise que des médicaments ont été découverts à proximité du corps.

Le vieil homme, star de l’érotisme flou dans les années 80, ne faisait plus guère parler de lui jusqu’à la publication du livre de l’animatrice Flavie Flament, La consolation, où elle raconte (mais sans le nommer directement car il y a prescription) qu’à 13 ans, elle fut l’un de ses modèles et qu’il l’a violée. Trois autres femmes témoigneront dans l’Obs de faits similaires. David Hamilton par la voix de son avocat a nié être coupable de tels abus sexuels. «L’instigatrice de ce lynchage médiatique cherche son dernier quart d’heure de gloire», affirmait-il dans un communiqué envoyé à l’AFP, où il précisait qu’il entend déposer plainte contre Flavie Flament.  

Style vaporeux et flouté

Né à Londres en 1933, David Hamilton s’installe à Paris dès l’âge de 20 ans où il décroche un job au magazine Elle, puis il devient directeur artistique du grand magasin Printemps sur le boulevard Haussmann pour lequel il se met à produire des photographies de mode dans ce style vaporeux et flouté qui va devenir sa marque de fabrique. Dans les années 70, son visage n’est pas connu du grand public, en revanche, on ne peut échapper à ses photos de jeunes gens au visage rêveur, posant avec des bouquets de fleurs ou batifolant en tenue néo-grecque sur des plages embrumées. Les photos de David Hamilton servent à illustrer des posters, des calendriers, des cartes postales, on en fait des puzzles. Populaire, il fait de la photo sexy mais les parents ne s’offusquent pas que leurs enfants en collent sur les murs de leurs chambres ou la couverture de leurs cahiers d’écolier.

Hamilton devient riche, fréquente la jet-set, roule en Aston Martin et boit des cocktails avec Tony Curtis, Jack Nicholson, ou Pasolini. Il passe des castings avec des adolescents tout justes nubiles et leur demande de se déshabiller devant l’objectif, fasciné qu’il est par une sorte d’innocence dont il travaille à moduler la sensualité et la lascivité edenique en série de filtres et floutages chichiteux. Il signe aussi plusieurs longs-métrages du même tonneau dont le fameux Bilitis d’après des poèmes de Pierre Louÿs et sur un scénario coécrit par Catherine Breillat, récit d’une idylle lesbienne entre deux jeunes filles, dont l’une, Melissa, est mariée à un photographe qui se montre sexuellement violent.

 
«Notre regard a changé»

Hamilton a toujours balayé d’un revers de manche les questions sur ce qui pouvait se passer en dehors des séances de poses, même s’il se vantait d’être un hédoniste qui avait eu «une vie de rêve» entourés en permanence de toute une cour de jeunes gens gravitant autour d’un artiste qui n’a pourtant jamais été légitimé par le monde de l’art à proprement parler. Ses photos ne sont pas entrées dans les collections des grands musées et lorsqu’en 2007, Eric Troncy à la Biennale de Lyon décide d’exposer une sélection de photos de Hamilton, il explique ce geste dans le catalogue en ces termes : «[Ces photographies] montrent combien l’imagerie de David Hamilton a toujours une influence sur la photographie contemporaine, particulièrement la photographie de mode. Elles montrent aussi que notre regard a changé tout au long de la décennie et s’est chargé des nombreuses affaires liées à la protection de l’enfance qui ont secoué la société ces dernières années.»

Le regard a changé en effet et l’esthétique fleur bleue a fini en bouquet pourri.