Cannes 2013, les films en comptétiton

Opération transparence. Il s’en est fallu d’un cheveu que Gilles Jacob ne dévoile son patrimoine en ouverture de la rituelle conférence de presse du Festival de Cannes, hier à Paris. Finalement, il s’est contenté de rassurer l’auditoire sur sa santé et de donner sa tension (13.7, ce qui n’est pas mal). Thierry Frémaux, le délégué général, lui, avait la voix éraillée du type qui n’a pas dormi de la nuit, suant sang et eau sur son programme. Toujours taquin avec les journalistes, il a anticipé les critiques sur les «habitués», et les polémiques sur le pas assez grand nombre de femmes en compète (une seule, en fait)...

Financement. La première surprise de cette 66^e sélection, c’est la présence massive des Français et assimilés. On en décompte cinq qui se bousculent en compétition : Arnaud Desplechin pour son premier film américain, Jimmy P,, avec Benicio Del Toro en Indien névrosé, Valéria Bruni-Tedeschi (réalisatrice et actrice dans Un château en Italie), François Ozon (Jeune et jolie, sur l’éveil à la sexualité d’une adolescente de 17 ans), Abdellatif Kechiche (la Vie d’Adèle, d’après Blue, la bande dessinée de Julie Maroh) et Arnaud des Pallières (Michael Kohlaas, d’après le chef-d’œuvre de Heinrich von Kleist).

En réalité, il faudrait encore ajouter pour être honnête Roman Polanski et sa Vénus à la fourrure, avec Emmanuelle Seigner et Matthieu Amalric, film que le cinéaste affirme être «polonais» en raison de son financement, ainsi que l’Iranien Asghar Farhadi (Une séparation) qui, avec le Passé, signe son premier film tourné en France incluant notamment au casting l’actrice Bérénice Béjo. Ce contingent francophone met une forme de pression sur le jury qui aura du mal à décider, à l’heure du palmarès final, de n’en retenir aucun.

Cela dit, les compatriotes du président Spielberg ne sont pas en reste, squattant comme d’habitude les bonnes places sous les projecteurs du star-system rutilant. Les frères Coen vont monter les marches aux côtés de Carey Mulligan et de Justin Timberlake pour leur évocations du New York folk des sixties dans Inside Llewyn Davis. James Gray sera escorté de Marion Cotillard et Joaquim Phoenix pour son très attendu The Immigrant. Steven Soderberg, d’abord réticent, a accepté de concourir à nouveau pour la palme d’or avec Behind the Candelabra, annoncé à cor et à cri comme son dernier film (chiche ?), qui réunit Matt Damon et Michael Douglas dans un biopic de Liberace, figure fofolle à moumoute du music-hall américain.

Difficile en revanche de statuer sur le passeport de Only God Forgives : réalisateur danois (le Nicolas Winding Refn de Drive), star hollywoodienne (Ryan Gosling en boxeur kamikaze à Bangkok), financements majoritairement français, décors et staff thaïlandais - pitché par Thierry Frémaux comme étant un «film thaï radical punk». Ce qui reviendrait à le rallier à un contingent asiatique par ailleurs garni d’un vrai Chinois (A Touch of Sin, de Jia Zhangke) et deux vrais Japonais (une nouvelle histoire de famille de Hirokazu Kore-eda, Like Father, Like Son, et un polar de Takashi Miike, Shield of Straw, «grand film hawksien de la compétition», paraît-il).

Bilan. Aucun premier film, mais le sous-continent Un certain regard, lui, en abrite cinq, qui se mêleront aux derniers Claire Denis (les Salauds), Alain Guiraudie (l’Inconnu du lac), James Franco (As I Lay Dying, d’après Faulkner), Rebecca Zlotowski (Grand Central, après Belle Epine), Rithy Pahn (l’Image manquante) et, en ouverture, Sofia Coppola (The Bling Ring qui, comme son titre ne l’indique pas, n’est pas un bilan du sarkozysme mais l’histoire vraie d’un gang d’ados pillant les villas huppées à Hollywood). A l’écart, Guillaume Canet s’américanise et s’invite pour la première fois à Cannes avec Blood Ties, mais hors compète (faut pas pousser). Un programme très relevé sur le papier et dont Frémaux ne cache pas qu’il devrait être gonflé de quelques autres titres sous peu.