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LASTDAYS

Plaidoyer pour la RTT des couples

14 Février 2010 , Rédigé par Kitano

Saint Valentin revient nous caraméliser l’attention coiffé de son auréole en sucre candide. Et voilà que trompettent à l’unisson les odes à l’amour passion, à l’amour fusion. Et voici qu’on célèbre la chute du multiple dans le gouffre de l’unique, et l’absorption goulue de l’individualité par le duo constrictor.

Les idéologies périclitent, les monothéismes s’hystérisent, mais il est une religion qui prolifère et enfle sa baudruche charmante, le culte de l’amour toujours. Comme toute religion, celle-ci est un opium qui deale sa rasade d’éternité à qui veut bien y croire. Addiction, désintox, on y repique, on repart en rehab. Ou si vous préférez : union, séparation, retrouvailles, divorce, recomposition, et cet ennui qui saisit à nouveau.

Pour éviter ces montagnes russes du tout ou rien, il peut être intéressant d’aborder les choses en mécréant libidineux et en artisan paradoxal de la paix des ménages. Pour une alliance impromptue d’Eros et d’Agapè.


Il s’agit d’instaurer une RTT du couple, autrement dit une réduction du temps de couple (RTC) afin de préserver la pérennité de celui-ci, à tout le moins de lui permettre d’élargir son horizon, de morceler son territoire, de reprendre son souffle. Cela se passera comment ? Les partenaires conjugaux se mettront autour d’une table de cuisine égayée de chandelles et négocieront les périodes respectives qu’ils prélèveront au duo-entreprise pour en doter l’individu non salarié. Ensuite, chacun gérera ses jours de RTC à sa guise, selon la durée déterminée et le calendrier stipulé par les accords de couple.

Et quel usage, sera-t-il fait de ce temps ainsi libéré ? Ne nous cachons pas derrière notre petit doigt, l’intérêt premier sera de pouvoir vivre des amours contingentes et des sexualités nécessaires. Ou l’inverse…



Cette proposition part bien sûr de la conviction que la fidélité des corps et des esprits est peu tenable, si tant est qu’elle soit souhaitable. La victoire actuelle de la monogamie à tempérament sur la polygamie à accommodement, autrement dit du séquentiel soit disant féminin sur le cumulatif soit disant masculin, provoque quelques désagréments (immobiliers, financiers, éducationnels) dont on pourrait se passer. Surtout, on fait le pari que l’émancipation féminine en cours (maîtrise de la procréation, indépendance économique) permettra aussi à la midinette qui est en chacun de nous, de s’affranchir de l’idéal du prince charmant et du père de la nation réunis. Il est temps que l’autonome démocrate et hédoniste succède au tribal englué dans ses croyances, que le goût de la découverte remplace la pulsion d’accaparement. Auquel cas, la polygamie-polyandrie devrait imposer sa logique joueuse.

Rappelons que le but n’est pas de faire sortir du placard les doubles vies, car personne ne sera tenu de détailler ses RTC, pas plus que vous n’êtes obligés de raconter à votre patron ou à vos collègues ce que vous avez fait de vos RTT. Et il sera bien sûr loisible à chacun-chacune de ne pas exercer ce droit nouveau et de rester pelotonnés sous la couette, à se renifler le nez et à se frotter la truffe, façon baiser eskimo.



Evidemment, tout n’est pas sentimentalo-sexuel dans la vie. Et les RTC pourront être mises à profit pour reconquérir une solitude nécessaire ou pour revendiquer des embardées que le consensus forcément mou du couple tolère mal. Se faire ermite des alpages quand l’habitude est au bronzage tropézien. Revoir des copains-copines mis à l’index par la doxa commune. S’esquiver en tête à tête avec un enfant toujours perçu comme un tiers- étant, un tiers-exclu. Ou vivre dans le désordre le plus complet quand le chasse-poussière est l’occupation usuelle.

Reconnaissons que les RTC existent déjà. Les initiateurs inconscients en sont les VRP en tournée, les turbo-profs et les non-cohabitants. Mais, il n’y a aucune raison que cette évolution des mœurs soit réservée aux itinérants et aux privilégiés immobiliers. Le dedans a aussi droit au grand dehors, l’intérieur peut s’ouvrir à l’extériorité. La RTC est une affaire privée, c’est entendu. Et la demande n’est pas que l’Etat se mêle de ce qui ne le regarde pas. Mais, à l’heure où les programmes politiques s’uniformisent, cette thématique peut intéresser les élus attachés à l’épanouissement de leurs administrés. Il ne s’agit pas de légiférer, mais de lancer le débat, de populariser l’option, d’en favoriser l’acceptation culturelle.


Si elle veut vraiment rompre avec les régressions autoritaires des Valls et compagnie, la gauche est la mieux armée pour soutenir ce genre d’utopie concrète. Elle a déjà donné l’exemple avec les RTT. Il serait assez intéressant que Martine Aubry qui a déjà changé la vie au travail, ose un bis repetita en un domaine, la chambre à coucher, où on l’attend peu. Reste qu’il serait assez farce que ce soit nos amoureux à la Peynet de l’Elysée qui déclenchent la mutation. La Carla Don Juanne aurait pu en être l’instigatrice. La Carlita épouse parfaite paraît moins transgressive. A voir…

En attendant, cher Valentin, chère Valentine, bonne RTC à vous.

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