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LASTDAYS

L'éducation en vacance: l'école sacrifiée par 4 ans de sarkozysme

18 Septembre 2011 , Rédigé par Kitano


Crédits photo:  Nicolas Sarkozy et Luc Chatel en visite dans une école le 21 juin 2011 (REUTERS/Pascal Guyot).

Leçons de morale et polémique sur la théorie du genre : deux pare-feux créés par la majorité pour cacher la misère d’une école sacrifiée par quatre ans de sarkozysme.

 

Comment faire de plus en plus avec de moins en moins ? Quelle est la différence entre le bien et le mal ? entre un homme et une femme ? S'il fallait une interro écrite pour dérouiller les neurones engourdis des 12 millions d'élèves et des 859 000 enseignants qui viennent de reprendre leurs activités, pourquoi ne pas commencer par ces trois thèmes qui ont fait le buzz de la rentrée ? Quelque 16 000 postes d'enseignants supprimés cette année, cela fait 80 000 pour le quinquennat Sarkozy.

"Je pense qu'il est responsable d'assumer cette politique", a déclaré le ministre de l'Education nationale, Luc Chatel, qui a mis - on fait avec ce qu'on a - l'accent sur le qualitatif au détriment du quantitatif lors de sa conférence de rentrée.

"La vraie question, c'est le sur-mesure, et non la quantité", a-t-il poursuivi avec aplomb, en prônant pour les élèves un "parcours individualisé".

Un sur-mesure qui sera particulièrement apprécié dans les écoles de village, qui font les frais de l'essentiel des suppressions de classes, sans parler des augmentations exponentielles des frais de transports scolaires. Peu avare en compliments, Jack Lang, qui a occupé à deux reprises son ministère (de 1992 à 1993 sous Pierre Bérégovoy puis de 2000 à 2002 sous Lionel Jospin), salue le "talent d'illusionniste" de Luc Chatel dans un essai sous forme d'adresse à Sarkozy (Pourquoi ce vandalisme d'Etat contre l'école ? - Lettre au président de la République).

"Si l'on vous reproche, écrit-il, les suppressions massives de postes, répliquez d'un ton expert qu'il y a davantage de professeurs aujourd'hui qu'au début de années 90. C'est objectivement faux, mais personne sur le moment n'aura le temps de vérifier."

En attendant, l'individualisation, tête de gondole du libéralisme ambiant, va bon train. La France, où les écoles privées surfent avec béatitude sur la déshérence du secteur public, détient le record mondial en leçons particulières, et ce dès l'école primaire. Les chefs d'établissement doivent aussi faire preuve de compétitivité puisqu'ils disposent à présent d'une prime de résultat (jusqu'à 6 000 euros tous les trois ans pour les proviseurs et les principaux de collège, jusqu'à 22 000 euros pour les recteurs d'académie).

 

A qui va profiter cette manne, censée récompenser, entre autres, un "projet pédagogique", "de bons résultats scolaires" et, pour faire bon poids, la "capacité d'intégrer des élèves en difficulté" ? Pour en bénéficier, il est, pour les deux premières occurrences, préférable de diriger un lycée du Ve arrondissement de Paris.

Ceux qui président aux destinées d'un collège dit sensible de Seine-Saint-Denis, plus concernés par le troisième objectif, devront faire preuve d'inventivité pour toucher le jackpot. Notamment parce qu'ils doivent se passer des Rased (Réseaux d'aides spécialisées aux élèves en difficulté), supprimés, et faire avec la disparition des IUFM (Instituts universitaires de formation des maîtres). Les nouveaux profs, qui ne bénéficient donc d'aucune formation sur le terrain avant d'être lâchés face aux élèves, vont certes recevoir une rallonge sur leur (maigre) salaire (157 euros en plus pour les certifiés, 250 pour les agrégés). Mais les stages de formation, dans le cadre du master, qui vont pallier ceux organisés jadis par les IUFM ne seront, au mieux, mis en place qu'à la prochaine rentrée, soit - qui sait ? - sous la responsabilité et avec les deniers d'une autre majorité.

 

D'ici là, les violences et les incivilités ne seront plus que de mauvais souvenirs puisque les élèves de primaire vont se voir gratifiés de leçons de morale. Selon la circulaire ministérielle, les instits doivent organiser leur cours à partir de maximes et de dictons simples. Pour le rédacteur en chef du Point, Hervé Gattegno (sur RMC, le 2 septembre), la tâche est ardue : "l'oisiveté est mère de tous les vices" résonne différemment à l'heure du chômage de masse, "bien mal acquis ne profite jamais" au temps de la fraude fiscale et des délits d'initiés et l'anodin "les efforts sont toujours récompensés" sonne bizarrement dans une société où le travail est plus taxé que le capital.

Dans ce tableau plutôt affligeant, la querelle sur la théorie du genre lancée par les députés UMP de la Droite populaire arrive à point nommé pour faire diversion. Ils ont écrit à Luc Chatel, avec l'appui d'associations catholiques pas franchement progressistes, pour que l'on supprime de quelques manuels scolaires cette assertion obscène, inspirée des gender studies américaines, qui affirme que l'individu n'est pas uniquement déterminé par son sexe biologique mais aussi par son histoire et son contexte socioculturel. Un rapide sondage sur l'opportunité de cette polémique auprès d'adolescents, tous sexes confondus, donne à une écrasante majorité un sans appel "on s'en bat les couilles".

 

Alain Dreyfus

Pourquoi ce vandalisme d'Etat contre l'école ? - Lettre au président de la République de Jack Lang (Le Félin), 144 pages, 14 euros.

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