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LASTDAYS

Mesurer un jour sa dépendance aux drogues

23 Avril 2006 , Rédigé par Kitano Publié dans #Planète

Chacun pourra peut-être, dans dix ou quinze ans, savoir précisément quel est son taux de dépendance aux substances addictives, licites ou non, de la même manière que des examens sanguins renseignent sur le risque d'être victime d'un accident cardio-vasculaire. Telle est en tout cas la perspective, essentielle du point de vue thérapeutique et préventif, dessinée par les derniers travaux menés par l'équipe de Jean-Pol Tassin, directeur de recherche à l'Inserm au sein de la chaire de neuropharmacologie du Collège de France, à Paris. Pour l'instant, cette équipe a mené une série d'expériences sur des animaux. "Pour évaluer le degré de dépendance, nous réalisons des mesures au moyen de canules implantées dans le cerveau de rats accoutumés à la cocaïne ou à l'héroïne", souligne le chercheur. Pour passer à l'homme, il faudra mettre au point des méthodes non invasives, utilisant, par exemple, l'imagerie cérébrale. La découverte ? Une meilleure compréhension du mécanisme de l'addiction. "Depuis près de cinquante ans, un seul neuromédiateur, la dopamine, semblait impliqué dans le processus de dépendance aux substances psycho-actives, explique M. Tassin. Or nous avons mis en évidence que ce sont trois des principaux neuromodulateurs, (dopamine, noradrénaline et sérotonine) qui sont concernés."

 

Ce processus s'apparente à un mécanisme d'horlogerie. "Normalement, chacune de ces trois molécules agit comme les roues d'un tel engrenage et elles se contrôlent l'une l'autre, indique le chercheur. La dépendance s'installe lorsque l'engrenage se découple et que chaque roue se met à tourner sans contrainte." L'intensité du plaisir, au moment de la prise de drogue, résulte de la sensation fugace du rétablissement d'un fonctionnement harmonieux du système. Lorsque l'effet disparaît, la mécanique se dérègle à nouveau, ce qui engendre des souffrances difficiles à supporter et pousse à une nouvelle prise. Ainsi commence le cycle de la dépendance. Selon ce scientifique, cette découverte permet de comprendre pourquoi, malgré l'utilisation des patchs de nicotine, 87 % des consommateurs de tabac ne parviennent pas à un sevrage durable. Car ce traitement ciblé n'agirait pas sur le mécanisme global identifié. "Il nous reste à trouver le moyen de réassocier l'engrenage", reconnaît M. Tassin, qui précise que cette nouvelle compréhension permet, d'ores et déjà, le décryptage du mécanisme de la dépendance chez le rat. Et devrait également bientôt permettre d'expliquer pourquoi certaines personnes sont beaucoup plus exposées que d'autres. "Un stress en début de vie peut provoquer ce dérèglement des neuromédiateurs et favoriser la vulnérabilité à la prise de substances addictives", indique M. Tassin, qui inscrit clairement la dépendance dans les maladies mentales.

Pour lui, médicaments et psychothérapies pourront, dans l'avenir, s'associer pour aider à la prise en charge de cette pathologie du plaisir et des émotions.

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