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LASTDAYS

"L'humour est la politesse du désespoir"... mais qui l'a dit le premier?

24 Juin 2014 Publié dans #Jérôme Garcin

C'est une vieille loi de la rhétorique : moins on sait, plus on cite. Le vide de la pensée est rempli de sentences définitives. Nos politiques excellent à ce petit jeu. Ils balancent des aphorismes en croyant donner du brillant à leurs propos ternes et l'illusion qu'ils connaissent leurs classiques. Ainsi le moindre candidat battu aux élections nous inflige-t-il le sempiternel «Ce qui ne me tue pas me rend plus fort», de Nietzsche.

Mais le plus à plaindre, c'est René Char. Dans ses pires cauchemars, le poète du «Marteau sans maître» n'aurait jamais pensé qu'il serait autant convoqué, détourné et pillé par les phraseurs, dont les discours ronflants sont truffés de: «Agir en primitif et prévoir en stratège»; «L'homme est capable de faire ce qu'il est incapable d'imaginer» ou encore «Impose ta chance, serre ton bonheur et va vers ton risque. A te regarder, ils s'habitueront.»

La citationnite est une maladie qui, en recyclant toujours les mêmes maximes, finit par rejeter ceux qui les ont écrites. L'ingratitude ajoute alors à l'ignorance.

Heureusement, il y a Dominique Noguez. Cet excellent écrivain, qui tient à la fois de l'égyptologue et du détective privé, a travaillé dur pour trouver «la Véritable Origine des plus beaux aphorismes» (Payot, 15 euros).

Il rend, par exemple, à Chris Marker, cette magistrale définition de l'humour: «la politesse du désespoir», que d'aucuns attribuaient à Hugo, Wilde, Duhamel, Vian, Valéry, voire Churchill. L'enquête d'authenticité menée par l'inspecteur Noguez fait six pages, elles sont dignes d'un mini-polar.

De «Madame Bovary, c'est moi», phrase prononcée, mais jamais écrite par Flaubert, à «Le refus des louanges est un désir d'être loué deux fois», maxime volée par Jacques Dutronc à La Rochefoucauld, tout le livre, drôle, excitant, édifiant, est à l'avenant. Dominique Noguez est la preuve qu'«un écrivain ne lit pas ses confrères, il les surveille». C'est de Maurice Chapelan.

Jérôme Garcin

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