Les raisons d'un succès : Dominique Besnehard, l'agent public
24 Mai 2014 Publié dans #Jérôme Garcin
Cet homme-là nous rendrait monarchiste. Deux fois, Dominique Besnehard, dont les parents tenaient une supérette à Houlgate (Calvados), a été un très bon roi Louis XVI. Dans «Marie-Antoinette», de Caroline Huppert, et «Beaumarchais, l'insolent», d'Edouard Molinaro.
Il n'y a pas que ses rondeurs et sa perruque sur la langue qui le prédisposaient au rôle et au trône. Il y a aussi la manière, gentille et opiniâtre, de régner sur le cinéma français en sacrifiant, confie-t-il, sa sexualité à son métier. On notera que sa réussite ne lui a jamais fait perdre la tête (sauf lorsqu'il eut à coeur, en 2007, de travailler au sacre élyséen de Ségolène Royal, la Marie-Antoinette de Poitou-Charentes, qui, pour toute gratitude, finit par le congédier comme un valet).
De Louis XVI, qui adorait aussi tirer les bécassines, les faisans et les lapins, Dominique Besnehard a hérité la folle passion de la chasse. Pendant vingt ans, chez Artmedia, le Versailles des agents artistiques, il a débusqué dans les fourrés des actrices inconnues (dont Juliette Binoche, Béatrice Dalle et Marie Trintignant), pourchassé sous abri les metteurs en scène afin qu'ils engagent ses protégés (de Marlène Jobert à Sophie Marceau, de Pierre Richard à Michel Blanc) et bouté les paparazzis qui les harcelaient.
Mais à 50 ans, épuisé de courir après le gros gibier, celui que Pialat surnommait le «marchand de chair humaine» a fait ses adieux à la braconne et à sa cour. Il est aujourd'hui producteur de cinéma et gouverne, en monarque démocrate, le festival du film d'Angoulême.
Dans ses croustillants Mémoires, qu'il a rédigés avec Jean-Pierre Lavoignat, ex-chambellan de «Première» et «Studio», Dominique Besnehard rassemble et range ses souvenirs. Son livre ressemble parfois à ces restaurants sur les murs desquels sont épinglées les photos dédicacées des célébrités qui les ont fréquentés: Johnny et Nathalie Baye voisinent en effet avec la muse de Louis Jouvet, Madeleine Ozeray, Mylène Farmer avec Jeanne Moreau, Sylvie Vartan avec Xavier Beauvois, Florent Pagny avec Isabelle Adjani et Marlene Dietrich, à laquelle il apportait chaque semaine «Variety», avec Gérard Depardieu, qui lui proposait de jouer à touche-pipi dans le foin...
Le plus émouvant, c'est l'enfance normande du petit Dominique, bercé par le «Cinémonde» de sa tante et la tournée de Michèle Torr au Casino, et ce sont ses débuts de comédien maigre, enflammé, dans le lit de Jean-Luc Boutté et sur les plateaux de Doillon, Beineix, Berri ou Pialat - dont il se dit orphelin. Sa vie est un roman balzacien, mais c'est à Spinoza qu'il emprunte sa devise: «Bien faire et se tenir en joie.» Il l'a méritée. En voici la preuve.
Jérôme Garcin
Casino d'hiver, par Dominique Besnehard,
avec Jean-Pierre Lavoignat, Plon, 480 p., 21 euros.
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