Il s’appelle Arthur Gillet, il a 27 ans et il a fait l’école des beaux-arts de Rennes. Lundi 23 septembre, il se rend au vernissage de l’exposition Masculin/masculin consacrée au nu masculin dans l’art au musée d’Orsay, à Paris, son carton d’invitation en main. Une fois sur place, il se glisse discrètement dans un petit couloir derrière un tableau et se déshabille. Puis, Arthur se balade nu, son sac en bandoulière, dans l’exposition. Une vidéo est tournée au téléphone par le magazine WAD.
Simple coup de pub’ orchestré par le magazine ? “Pas du tout”, nous répond Arthur Gillet, contacté par téléphone, “j’ai un ami qui bosse chez WAD. Je lui avais dit il y a quelques temps sur le ton de la plaisanterie que ça me ferait rire d’aller à l’expo nu. Il a proposé de m’accompagner.” L’idée du happening lui est venue comme un trait d’esprit : “Je trouvais ça drôle de rapprocher les œuvres [représentant des nus masculins - ndlr] d’un modèle mais de manière naturelle, en visitant l’expo tout nu”. A sa grande surprise, pas de scandale du côté des visiteurs. Certains lui ont souri, d’autres lui ont demandé s’ils pouvaient poser avec lui pour une photo. Même le service de sécurité s’est laissé gagner par le happening. Si le directeur de la surveillance lui a fait promettre de ne pas réitérer l’expérience, il lui a tout de même conseillé d’écrire une lettre au directeur du musée pour lui proposer de réaliser une performance dans un cadre plus officiel.
“J’ai eu l’impression de visiter un salon du design masculin”
Arthur a aussi voulu faire ce happening parce qu’il trouvait “courageux” de consacrer une exposition au nu masculin, “un sujet très sensible“. Pourtant, le jeune homme se dit “déçu” :
“J’ai eu l’impression de visiter un salon du design masculin avec l’homme assis, homme allongé, l’homme dans la nature, l’homme fort, sans aucun commentaire critique. Les nus dénotaient une sensibilité homosexuelle, qu’Orsay n’assume pas du tout. L’expo aurait pu devenir un outil critique à des fins plus féministes, en remettant en cause le référent universel du masculin, l’érotisation exclusive du corps féminin. Mais j’ai eu l’impression d’une expo à la gloire du masculin.”
Niveau performance, l’artiste n’en est pas à son coup d’essai. Il a réalisé un happening cette année au musée d’Art moderne à l’occasion de l’exposition consacrée à Keith Haring. Habillé, Arthur a dansé au sein de l’expo avec des ”personnages de la nuit parisienne“, ghetto blaster sur l’épaule. Il a réitéré l’expérience quelques temps plus tard en pleine rue de Paris, vêtu d’un simple fundoshi (sous-vêtement japonais pour homme laissant apparaître les fesses) et accompagné d’une bande d’amis danseurs. “On aime danser dans la rue vêtus de tenues improbables“.
Arthur fait même des émules : le lendemain de son action, un autre jeune homme (dont l’identité n’a pas été révélée) prenait la pose dans le plus simple appareil devant le musée, entre une affiche d’une photographie de Pierre et Gilles datant de 2001 et une autre du tableau Berger Pâris de Jean-Baptiste Desmarais de 1787, accrochées sur la façade. “Oui, j’aimerais bien être à l’origine d’un mouvement !“, avoue-t-il en riant.