Tous les admirateurs de Takeshi Kitano, astre du cinéma nippon contemporain, attendaient ce film avec ferveur. Par dévotion, bien sûr, pour tout nouveau geste du maître, mais aussi pour une autre raison. Voici dix ans que l'auteur a délaissé son genre de prédilection, le film de yakuza, sous les auspices duquel il a signé ses principaux chefs-d'œuvre, A Scene at the Sea (1991), Sonatine (1993), Kids Return (1996) ou encore Hana-bi (1997), grâce auquel il remporta le Lion d'or à Venise
Ces films, d'une violence sublimée, portaient le genre dans des confins inexplorés, vers la poésie, la contemplation, le burlesque. En 2005, le cinéaste inaugurait toutefois un changement de cap radical avec une trilogie farcesque et débonnaire – Takeshi's (2005), Glory to the Filmaker (2007) et Achille et la tortue (2008) – sondant les arcanes de son personnage et de sa création.
Outrage, film de yakuza hyperbolique, est le grand retour aux affaires du cinéaste, du moins attendu, rêvé comme tel. On en sera pour ses frais. Car le film ressemble davantage à l'improbable synthèse des deux veines qu'on vient de décrire qu'au regain du Kitano grand cru.
L'histoire, d'un enchevêtrement délibéré, comporte une multitude de personnages et tourne en dérision le monde des yakuzas dans une surenchère de violence et de stupidité qui tourne au grotesque. Le chef d'une puissante organisation mafieuse, une baderne machiavélique, y orchestre, impavide, une zizanie sanglante dans son propre camp, pour mieux asseoir son pouvoir.
Pur jeu de massacre
Kitano, qui interprète le rôle d'un modeste chef de clan, s'y amuse à détailler la cascade ininterrompue de trahisons et de coups foireux qui redescend tous les niveaux de la hiérarchie, le principe consistant toujours à exiger le sacrifice du plus faible. Il est entendu que cette méchante foire d'empoigne, qui ne conserve du code de l'honneur et de la fraternité maffieuse que les oripeaux, peut être comprise comme une critique de la société japonaise elle-même.
Reste que le film, pour drôle qu'il soit, se révèle bancal, peu incarné et d'une outrance qui l'entraîne vers le pur jeu de massacre. S'il est un retour au genre, Outrage manifeste surtout la lassitude qu'éprouve Kitano à son endroit.