Trois réalisateurs étrangers à ce secteur affirment vouloir réaliser le premier film érotique en trois dimensions. Et pas des moindres, puisqu'il s'agit de Gaspar Noé (Irréversible), Tinto Brass (auteur du Caligula de 1979, pour un probable remake) et de… Quentin Tarantino, qui en parle depuis près de trois ans.
Mais l'industrie ne les a pas attendus pour franchir le cap. En kiosque ce mois-ci, le dernier Marc Dorcel est « en 3D ». Dans un communiqué du producteur, on apprend ses ambitions : « Devancer les possibilités médias de son époque »…
Pourtant, il ne s'agit que d'une « vieille 3D », obtenue à partir d'anaglyphes. La technique est utilisée à la télévision depuis le début des années 80. Le DVD est d'ailleurs vendu avec ses bonnes vieilles lunettes en carton.
Le filtre bleu et rouge, c'est bel et bien terminé : le nouveau standard de la 3D demandera un téléviseur spécifique, ainsi que des lunettes alimentées par batterie.
A la mi-janvier, la société « Bad Girls in 3D » a ouvert le bal lors d'un « salon du X » à Las Vegas. Elle a présenté un pack à 4 000 dollars incluant un téléviseur spécifique et une offre de vidéo à la demande.
Pas de scène pornographique à l'écran lors de la démonstration, règlement du salon oblige, mais une jeune fille aux déhanchements lascifs. Chloé Albanesius, une journaliste de PC Magazine, a assisté à la démonstration. Elle n'a pas eu franchement l'impression que l'actrice se trouvait au milieu de la pièce :
« L'image ne “jaillit” pas vraiment vers le spectateur. Les effets jouent plutôt sur la profondeur, un peu comme si on était en train de scruter à travers une fenêtre dans un peep-show… »
Tom Sridix promet que son film utilise cette technique de façon bien plus immersive. Ce réalisateur français vient d'achever le tournage du tout premier long-métrage X en 3D stéréoscopique, prenant de vitesse les projets américains en cours de réalisation.
« Shortcuts 3D » devrait sortir dans le commerce d'ici deux semaines. D'abord proposé dans une version anaglyphe, il sera ensuite disponible en « vraie » 3D, pour coïncider avec la sortie des premiers téléviseurs dédiés.
Le nouveau matériel a apporté son lot de contrariétés pendant le tournage :
« Ce qui m'a gêné, c'est la lourdeur du matériel. Il n'est pas encore fabriqué en série, et on a dû fabriquer un prototype à partir de plans. On s'est retrouvé avec une caméra d'une bonne quinzaine de kilos…
Du coup, il faut oublier le tournage caméra à l'épaule. J'ai dû travailler en plans fixes, mais je pense qu'on s'en est bien sorti. »
Armé d'un autofinancement de 100 000 euros correspondant aux plus grosses productions du secteur (dont 40 000 euros pour la fabrication de la caméra), Tom Sridix attend maintenant la réaction du public. Mais s'il y a une chose dont il est sûr désormais, c'est de l'enthousiasme de l'industrie X pour cette nouvelle technique :
« C'était mon premier long-métrage, je ne pensais donc pas attirer autant de gens. J'ai d'abord contacté l'actrice Flo d'Esterel, qui m'a présenté à Sébastien Barriot, Hot d'Or du meilleur acteur 2009. Angell Summers, meilleure actrice, a bientôt suivi.
Le bouche-à-oreille a continué, et je me suis retrouvé avec un casting de cinq nominés aux Hot d'Or, dont deux lauréats… Apparemment, le passage à la 3D était attendu par pas mal de monde. »
Ce n'est d'ailleurs pas la première fois que l'industrie pornographique marque son empressement à s'emparer d'une nouvelle technologie.
Elle a souvent été désignée comme le fossoyeur du support vidéo Betamax. Au début des années 80, elle avait choisi de commercialiser ses œuvres sur cassettes VHS, le support concurrent. Les consommateurs ont fait leur choix, rapidement suivis par Hollywood.
De même, la naissance du Minitel rose aurait démocratisé l'usage de la machine, peu après l'apparition des premiers services de messagerie « conviviale ».
Photo : Dido sur Flickr