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20 ans déjà ! Bali, Jérôme Garcin, Cinéma et séries d'antan

Kate Moss : la belle est la bête

 

07 JUIN 2010
PHOTOS: Sam Taylor-Wood

Un animal sauvage, sexuel et solaire, doté d’un côté sombre. C’est ainsi que l’artiste britannique Sam Taylor-Wood a photographié, en exclusivité pour "Next", Kate Moss, l’indestructible top model. Portraits et analyse.

En couverture de ce magazine pour la troisième fois en trois ans, Kate Moss représente notre record, et de loin. L’ultime affiche de la modernité. Elle reste une idole glacée, ultracontemporaine de par sa froideur, de par son talent à se projeter inlassablement sur l’immense écran des fantasmes universels.


Et pourtant. Qu’a-t-elle fait depuis avril 2008 où elle se retrouvait ici-même sous l’objectif de Hedi Slimane ? Rien de plus qu’à l’époque, et ce n’était déjà pas grand-chose. Poser pour des photographes ; être l’égérie de marques ; promouvoir la sienne ; cultiver sans en avoir l’air (l’apparente désinvolture est au cœur de son système) l’image de la fille à la fois la plus solaire et la plus vénéneuse du monde.

On s’attendait à ce qu’elle enregistre un disque, comme n’importe qui aujourd’hui se le permet et comme elle semble tant le vouloir depuis qu’elle se frotte aux rockers, mais l’ancien amant Pete Doherty et l’actuel, le guitariste des Kills Jamie Hince, ont su se tenir à distance de ce rêve encombrant. Elle aurait pu s’essayer au cinéma ainsi que l’ose n’importe quelle mannequin, starlette, ce n’est pas si difficile et il se pourrait même qu’elle ne soit pas si mauvaise, mais à croire que là, c’est elle qui reste en lisière d’un univers trop vaste pour elle. Elle pourrait encore : écrire ses mémoires ; épouser un prince ; devenir respectable ; devenir quelqu’un d’autre.

Mais Kate Moss n’est bonne à rien. Sinon à elle-même. Et c’est un talent rare. Glaçant. Ceux qui la connaissent, notamment son amie l’artiste plasticienne Sam Taylor-Wood, racontent une fille entière, abrupte, drôle, sauvage, qui a su garder au fil du temps cette animalité dont on voit les ombres, les contours, se dessiner dans la forêt hantée imaginée par Taylor-Wood. Kate Moss n’est bonne à rien et le fait si bien, ce prélassement sans fin, ces apparitions dans les pubs/les boîtes/les fêtes, que le temps passe et qu’elle demeure la même écervelée rock, la même femme sans qualités sinon celle de posséder ce visage si négligemment beau, ce corps si souple, cette allure de pop-star à une époque qui vénère tant celles d’avant.


Kate Moss a tout compris de cette ère de marchandisation et de fascination maximum, et c’est désespérant. Elle sait que : parler n’est pas nécessaire (se taire au contraire augmente le mystère) ; que montrer sa finesse, si tant est qu’il y ait finesse, ne sert à rien ; que s’excuser d’être là est un truc réservé aux stars américaines contrites de culpabilité ; que s’épancher partout est, au fond, signe de bêtise. Elle maintient comme un paravent ce bloc de joliesse lasse, sexy, un peu effritée, parfois légèrement vulgaire. Quel engin.


Certains de ceux qui l’ont approchée louent son caractère claquant comme un drapeau sous la tempête. Ceux qui l’ont côtoyée sans appartenir à l’étouffante coterie de la mode ou du luxe, tel l’ancien « mari » d’Alexander McQueen, décrivent plutôt une fille oscillant au gré de ces mêmes tempêtes, et accalmies. Jamais vraiment sincère. Jamais vraiment là. Mais peut-on l’être dans ces milieux où la rouerie est une indispen-sable armure, où survivre revient à posséder la sagesse d’un vieil indien dans une jungle infestée de marécages et de sangsues ?

Kate Moss est toujours vivante. Vide et palpitante. Un miroir tendu à notre époque. On y voit tout. Ou rien. S’y reflète pourtant une partie de notre monde ; accéléré, interchangeable, qui rêve de décadence et d’opulence. F.-M. S.

Sam Taylor-Wood : « Kate ? une pulsion de vie »

Sam Taylor-Wood, élégante quadra anglaise, fait partie des grands noms de l’art contemporain. Son travail (en vidéo ou en photo) est marqué par sa relation à l’intime. Proche de Damien Hirst et de Tracey Emin, elle a par exemple filmé David Beckham endormi (David). Et parce qu’en Angleterre, le geste artistique est moins balisé, moins sectorisé qu’en France, Sam Taylor-Wood est devenue récemment réalisatrice de cinéma (Next mai 2010). Son premier long métrage, Nowhere Boy, un biopic sur John Lennon avant qu’il ne forme les Beatles, devrait sortir en France à la fin 2010. Pour incarner Lennon, Sam Taylor-Wood a fait appel à Aaron Johnson, un acteur de 19 ans dont elle a fait son amant. Ce qui, bien évidemment, a déclenché la furie des tabloïds anglais, toujours aussi prompts dans leur croisade morale. Depuis dix ans, l’artiste est une amie proche de Kate Moss. Pour Next, elle a photographié le « côté sombre » de la top model la plus célèbre au monde. Explications en trois points.


Animale et sauvage « Kate est une femme constituée d’un mélange étrange. Elle a gardé une certaine innocence mais en arrière-plan, son côté sauvage n’est jamais très loin. C’est cette face sombre que j’ai voulu mettre en scène dans les ombres portées autour de sa silhouette. Ce trait de caractère n’a rien d’autodestructeur chez elle. Au contraire, c’est une pulsion de vie. »


Personnalités multiples « Si vous rassemblez toutes les images de mode où apparaît Kate Moss, vous verrez apparaître le portrait d’une femme aux personnalités multiples. Je suis fascinée par la plasticité de son corps, de son visage. En même temps, sa générosité dans le travail, lors d’une séance photo par exemple, n’est jamais feinte. »

Personnalité publique/pulsion intime « Le monde entier connaît son visage. Pourtant, et c’est ce qui m’intéresse chez elle, jamais elle ne cherche à se débarrasser de son animalité, avec ce que ce terme comprend de sexuel. » Propos recueillis par Olivier Wicker

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