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LASTDAYS

20 ans déjà ! Bali, chaîne de Jérôme Garcin, Cinéma et séries d'antan pour 2025.

Bonne compète, mauvais palmarès

Heureusement que Haneke, Riva et Trintignant sont finalement sortis du chapeau de Nanni Moretti, car jusqu’à l’annonce de la palme d’or, on se dirigeait vers l’un des pires palmarès de l’histoire de Cannes. Distribuer le prix du Jury à Ken Loach (La Part des anges) ou Matteo Garrone (Reality), c’est un choix pantouflard qui récompense des films sympathiques, pas indignes, mais qui n’apportent rien à leur filmo ni au cinéma en général. Choisir Au-delà des collines de Cristian Mungiu pour le prix du Scénario, c’est un peu se tromper de catégorie pour un film qui dure une vingtaine de minutes de trop et dont le scénario n’est pas la caractéristique la plus saillantes.

Le double prix d’Interprétation féminine à ses deux actrices est déjà moins contestable, même si on voyait plutôt Emmanuelle Riva ou Marion Cotillard. Couronner Mad Mikkelsen chez les hommes, c’est primer un acteur correct dans un mauvais film une année où les prétendants hauts de gamme se bousculaient, de Jean-Louis Trintignant à Robert Pattinson, de Mathias Schoenaerts au fabuleux Denis Lavant. Et donner le prix de la Mise en scène à Carlos Reygadas pour Post Tenebras Lux, c’est mettre en avant une radicalité creuse et vaniteuse.

Dans un palmarès qui se caractérise par le bégaiement (Loach, Mungiu et Garrone reviennent cueillir des lauriers cannois respectivement 6, 5 et 4 ans après leur dernière moisson), il est presque logique que Michael Haneke entre dans le club restreint des doubles palmés en décrochant le graal pour Amour, 3 ans après Le Ruban Blanc. Ce triomphe était globalement attendu et n’est pas sujet à polémique tant Amour a subjugué, questionné, bousculé et bouleversé une grande partie des festivaliers, jusqu’à conquérir des cinéphiles qui étaient jusque là peu sensibles à son style sévère. Haneke doit maintenant se sentir dans la peau de Pelé, Messi ou Mourinho, mais il a eu le bon goût, comme le président Moretti, d’associer les prodigieux Emmanuelle Riva et Jean-Louis Trintignant à son triomphe.

La palme d’or à Amour est néanmoins entachée d’un bémol : il y avait cette année à Cannes un cinéaste encore plus fort, plus inventif, plus surprenant qu’Haneke, armé d’un film qui proposait une vision plus ample, plus moderne, plus libre et plus décoiffante du cinéma. On aura reconnu Leos Carax et son Holy Motors. Rester aveugle et sourd devant ce sidérant objet filmique non identifié demeurera comme la faute de goût historique de ce jury. Mais s’il n’y avait que Carax… Moretti et ses jurés ont aussi écarté la puissance conceptuelle de Cronenberg, la simplicité et la pureté de ligne de Hong Sang-soo, la force carnée d’Audiard, la souveraine subtilité de Kiarostami, voire le hiératisme de Loznitsa ou encore la verdeur formaliste de Resnais, ce qui fait quand même beaucoup. Super Nanni semble avoir privilégié les films à grands sujets résonnant avec l’actualité aux dépends d’un cinéma plus en prise esthétique et thématique avec le contemporain (Carax, Cronenberg…) ou de cinéastes subtils qui n’exhibent pas leur virtuosité pourtant bien réelle (Hong, Kiarostami…).

Remarquons enfin que le cinéma américain repart bredouille, ce qui est logique compte tenu de la relative faiblesse de ses représentants. En revanche, il est étonnant que le cinéma français soit quasi fanny alors qu’il se présentait dans toute sa force et sa diversité…(Amour corrige un peu ce sentiment puisque ce film est en bonne partie français). Moretti aurait-il un goût daté ? L’alchimie politique propre à chaque jury aurait-elle conduit à ces consensus académiques ? Le saura-t-on un jour ? Reste que hormis Haneke, ce palmarès ne reflète absolument pas les lignes de forces les plus saillantes de la cinéplanisphère telle qu’elle apparut au cours de cette compétition.

Serge Kaganski

Le palmarès:

Palme d’Or : Amour de Michael Haneke

Grand prix du jury : Reality de Matteo Garrone. L’Italien avait eu le même prix en 2008 pour Gomorra. Reality a été reçue très fraîchement sur la Croisette. «Scénario faible, à côté du sujet. Un lot de consolation pour l’Italie», regrette Jean-Luc Wachthausen.

Prix d’interprétation féminine : conjointement Cosmina Startan et Cristina Flutur pour Au delà des Collines

Prix d’interprétation masculine: Mads Mikkelsen pour La chasse

Prix de la mise en scène : Post tenebras lux de Carlos Reygada

Prix du scénario : Au delà des Collines de Cristian Mungiu

Prix du jury : La part des Anges de Ken Loach

Caméra d’Or du premier film : Beast of the southern wild de Benh ZEITLIN

Prix du court métrage : Silencieux de L.Rezan Yesilbas

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