20 ans déjà ! Bali, chaîne de Jérôme Garcin, Cinéma et séries d'antan pour 2025.
19 Juin 2007
Dans une précédente critique (PONETTE), je posais la question (avec la réponse) à savoir quel choc peut-être plus terrible que la perte d’un parent pour un enfant. Le film dont il est question pose un autre terrible problème : comment supporter une vie lorsque vous n’avez plus l’usage de votre corps et que seul votre esprit fonctionne.
Jean-Dominique Bauby l’a vécu suite à un Locked-In Syndrom qui dans sa traduction pose l’état de la personne : esprit ‘emmuré vivant’ dans un corps qui ne répond plus sauf par un battement des paupières (une seule dans le cas de Jean-Do son diminutif adopté). Quelle plus cruelle torture peut être subie par un être conscient de sa situation ? Mieux vaut de ne pas avoir de réponse pour ne pas tomber dans une surenchère.
Le premier message qu’il transmettra sera de vouloir mourir. Car malgré ce seul battement de paupières, il pourra communiquer grâce à l’aide d’un alphabet conçu dans un certain ordre qui épelé lentement, permettra la constitution de mots, de phrases et le livre qui sortira trois semaines après sa mort.
D’emblée du point de vue cinématographique, le rapport avec JOHNNY GOT HIS GUN de Dalton Trumbo revient en mémoire. Film de 1971 mais inoubliable par cette histoire d’un soldat américain qui sur le front français se réveille dans un hôpital avant de s’apercevoir qu’il ne reste que son esprit valide (plus de jambes, bras, visage suite à une explosion). On pense ensuite au film d’Alejandro Amenabar avec MAR ADENTRO et le combat d’une personne paralysée pour avoir droit, en Espagne, à une euthanasie.
Le sujet de ce film n’est donc pas joyeux. Il met en face de nous le miroir du destin, de l’indicible peur de ne rien pouvoir maîtriser, du sens de la vie. En cela, le film du réalisateur new_yorkais restera dans les mémoires. Car Jean-Do a un père de 92 ans qui de son côté est aussi prisonnier d’un appartement qu’il ne peut quitter. Une autre visite, scène clé du film, est la visite de Roussin (Niels Arestrup) a qui Jean-Do avait laissé sa place dans un avion qui fut détourné avant de rester prisonnier de ses ravisseurs pendant des années. A partir de ses paroles, le mot humain va réapparaître, un nouveau combat pour un livre malgré la frustration de ne pouvoir ‘toucher de la main, les cheveux de ses enfants’.
La mise en scène va – comme avec Dalton Trumbo – alterner le présent et le passé dans des images aériennes, par une caméra subjective lorsque le patient parle en voix off (quand on lui éteint par exemple le poste de télé alors qu’il y a un match de foot) et cadré à hauteur d’homme lorsqu’il est sur son fauteuil. C’est ce qui a permis entre autres d’ailleurs d’obtenir le Prix de la Mise en Scène au dernier festival de Cannes. Mathieu Amalric est parfait et tous les seconds rôles, tous, sont excellents avec une mention à Max Von Sidow dans le rôle du père. Les femmes sont toutes belles et respirent cette volonté de (re)garder la vie, de conserver l’amour.
C’est à ce niveau que les critiques arrivent. Ce directeur d’ELLE est présenté comme bien sous tous rapports, sauf avec sa femme ou plutôt la mère de ses trois enfants, on saisit que c’est lui qui l’a abandonnée. Pourtant, en ces temps de forfaits hospitaliers, il n’est pas question d’argent, sujet pas si déplacé que cela. Et puis les membres du corps médical sont de belles femmes, avenantes, combatives mais douces. Ce n’est pas du rose bonbon cet hôpital, c’est du bleu comme les yeux de ses personnes aux soins avec le malade. Certes, on pourra sourire face au personnage du docteur Lepage (Patrick Chesnais) mais en fin de film, c’est presque la déclaration d’amour à sa dernière maîtresse (ou compagne) qui transparaît. Compagne qui ne vint jamais le voir pour garder de lui une image intacte.
Quelle image devons nous alors garder de ce film, celui d’un sujet touchant, sensible, cruel à l’interprétation parfaite et à la mise en scène inspirée. Un film qui ne doit pas rebuter par son sujet mais qui doit laisser notre côté critique en éveil sans jouer sur trop d’effets sensibles car il existe d’autres cas et des milliers de personnes touchées par une maladie rare. En ce sens, ce film est rare.