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11 Mars 2014
Des chercheurs mettent au point un détecteur de mensonges à l’usage des réseaux sociaux. Vivra-t-on un jour dans la dictature de la vérité ?
On appelait ça un journaliste jusqu’à maintenant. Mais la technologie aidant, désormais on le nomme “pheme”. A l’origine, c’est le nom de la déesse grecque de la renommée (Fama dans la version romaine), pourvue de cent bouches et cent oreilles pour tout entendre et tout divulguer, mais c’est aussi celui d’un algorithme sophistiqué, mitonné par la faculté de Sheffield en Angleterre, en partenariat avec des universités allemandes et autrichiennes.
Financé par l’Union européenne, Pheme sera disponible dans un an et demi. Il permettra, disent les scientifiques, d’analyser les millions de tweets et autres statuts Facebook qui fourmillent sur internet et d’évaluer leur fiabilité en temps réel. Quatre catégories d’informations pourront être identifiées : désinformation, spéculation, controverse et fausse information. Dans ce futur, essayez d’écrire sur un réseau social : “Guillaume Musso est le plus grand écrivain français”, et immédiatement la machine s’emballera et clignotera sur votre écran une indication permettant de démasquer l’imposture. Fausse info.
Mais avait-on besoin de cette machine pour ne pas être dupe ? L’algorithme deviendra un piège bien utile pour les conspirationnistes qui verront leur thèse gagner en crédibilité à mesure qu’elle sera démentie. Alors, bien sûr, les “infaux” du Gorafi perdront un peu d’effet, c’est certain. Les humoristes et sarcastiques d’une manière générale verront leurs plaisanteries tomber bien à plat. Pheme n’aime pas le second degré, c’est un rabat-joie. C’est le type du premier rang qui se retourne, méprisant : “Ça ne marche pas, ça fonctionne.” Connard.
On connaît la suite : une fois le dispositif intégré dans nos smartphones ou Google Glass, le mensonge sera banni du monde, pour de bon. “Mais non, on ne te prépare pas un anniversaire-surprise.” “Mensonge, mensonge, mensonge”, verra-t-on s’inscrire. Pas sympa. Finies, les émissions politiques. A quoi bon ? Pheme nous tapera sur les doigts à la moindre menterie. Impossible dorénavant de se contenter d’un “ça va, merci” en croisant un collègue.
Même chez les plus enthousiastes d’entre nous, en cherchant bien, on trouve toujours une petite faille. Il faudra s’épancher un peu. Pheme triera le vrai du faux, ce qui aura pour effet de résoudre bien de vaines discussions. Fini d’ergoter. Dieu existe-t-il ? Oui, non. Les anges, homme ou femme ? Cette oeuvre vaut-elle le prix qu’on l’a payée ? Terminé. Tel l’oracle, l’algorithme aura parlé. Goûts et couleurs ne se disputeront plus. On l’installera donc au sommet de l’Etat, marre de ces sempiternelles élections et alternances sans fin, toujours dans la demi-mesure. Avec Pheme, de justes décisions, qui répondent en tout point à la plus pure des vérités, seront enfin prises. Le monde sera régi par la dictature du vrai, celui des mathématiques. A moins que l’avenir, espérons-le, nous fasse mentir.