Premier arrivé, premier servi. Des milliers de Français attendent avec impatience la réponse de l’ambassade du Canada sur les demandes de PVT (Permis de Travail-Vacances) pour préparer leurs valises et partir de l’autre côté de l’Atlantique. Les programmes “vacance-travail” se définissent comme des accords entre la France et huit pays dans le monde: le Canada, l’Australie, le Japon, la Nouvelle Zélande, la Corée du Sud ou l’Argentine… “Chaque année près de 40 000 places sont disponibles pour les Français” explique Julie Meunier, cofondatrice du site spécialisé PVTiste.net. Le demandeur reçoit un visa d’un an lui permettant de travailler dans l’un de ces pays pendant une année entière. Seule condition : avoir entre 18 et 30 ans ou 18 et 35 ans pour le Canada. Pour la plupart des pays, il n’y a pas de quotas, sauf chez les cousins de l’Atlantique. Cette année l’ambassade distribue 6 750 PVT.
“C’est comme jouer au loto”
La ruée vers les PVT s’est avérée un désastre lors de la première session. A l’ouverture, le 1er février dernier, “plus de 41 000 personnes se sont connectées au site” raconte Julie Meunier pour 2 250 places. Malheur. Le serveur de l’Ambassade plante, laissant ainsi plusieurs dizaines de milliers de Français désespérés derrière leur écran. Les réseaux sociaux ont commencé à grouiller de plaintes et critiques contre le système informatique. Une réaction qui s’explique par différents facteurs selon la jeune femme : “normalement les candidatures ouvrent au mois de novembre. Cette fois-ci les personnes ont dû attendre février. Quand il y a eu le problème informatique. Ils étaient furieux.”
Une frustration extrême pour ceux qui se sont préparés depuis plusieurs mois à ce voyage et dont l’échec est dû à un simple un bug informatique. Julie Meunier ajoute : “On a fait un recensement suite au plantage. Sur l’heure et demie où la plateforme était ouverte, uniquement 10 minutes ont marché.” Ainsi les 2 250 places sont parties en 10 minutes. Un empressement comparable à celui des fans qui s’arrachent les tickets de concert de grandes stars. Antonin, 25 ans, attendait l’ouverture des PVT depuis l’automne avec impatience : “J’étais scandalisé et énervé du fonctionnement et de la procédure. Déjà les délais ont été dépassés depuis plusieurs mois.” Il renchérit : “Il n’y a aucune sélection, c’est comme jouer au loto d’avoir un PVT.”
Heureusement la deuxième tranche s’est mieux déroulée. En effet samedi 15 février ils étaient toujours des dizaines de milliers devant leur écran d’ordinateur pour faire leur demande pour le programme. En à peine un quart d’heure, les quelques 2 000 permis avaient trouvé preneur. Florent, 23 ans, a eu plus de chance pour la deuxième. “J’ai réussi à me connecter et à faire ma demande. J’ai même pu payer les frais d’administration.” Mais il attend toujours confirmation pour plier bagages. A la différence d’un visa de travail classique, pour lequel il faut avoir préalablement trouver un employeur avant de partir, le PVT permet d’aller rechercher du travail sur place. Ainsi ces programmes sont particulièrement prisés pour passer des années sabbatiques à l’étranger entre voyage et travail.
La troisième et dernière session d’inscription de cette année, pour les derniers 2 250 PVT, devrait être annoncée “dans une ou deux semaines” espère Julie Meunier. Comme pour les deux premières sessions l’ambassade canadienne prévient les candidats sur son site et sur les réseaux sociaux seulement 48 heures avant l’ouverture des inscriptions.
Un engouement pour le Canada
Certains sont prêts à tout pour le saint Graal. Lors de la première session, “un faux compte Twitter avec un intitulé semblable à celui de l’ambassade du Canada avait été créé pour annoncer que les quotas avaient été atteints, avant que ce ne soit le cas” raconte Sébastien Francoeur, conseiller à l’immigration à l’ambassade canadienne à Paris. Le canular a été démasqué et le compte supprimé indique le responsable du programme.
Les Français se tournent de plus en plus vers le Canada pour fuir l’Hexagone. En 2010, pour trouver les fameux 7 000 candidats au PVT, l’ambassade canadienne à Paris avait mis 36 jours. L’année suivante 12 jours. En 2013 les permis sont partis en près de 48 heures après l’ouverture des candidatures. En 2014, il n’a suffit que de quelques minutes. Avant la session de 2014, tous les dossiers étaient gérés manuellement, envoyés par la poste. Les premiers dossiers reçus étaient les premiers traités et donc potentiellement les premiers acceptés. Mais l’ambassade a décidé de faire un saut technologique et de moderniser son système. L’administration canadienne a donc appliqué au PVT un logiciel qui avait fait ses preuves pour d’autres procédures. “Certes il y a eu des petits soucis informatiques. Mais malheureusement il y a aussi trop de demandes pour trop peu de places. C’est donc normal qu’il y ait des déçus” souligne Sébastien Francoeur.
“Le Canada est une destination qui fascine” Sirop d’érable, caribou et grand air, certes, mais aussi et surtout “le bilinguisme, le marché du travail moins bouché et surtout la facilité de pouvoir rester une fois que le PVT se termine comparé à d’autres pays” sont autant d’arguments selon Julie Meunier, qui attirent les Français. Mais à l’inverse moins de Canadiens viennent en France. Les PVT sont un programme basé sur la réciprocité. Les quotas sont recalculés chaque année. Si plus de Canadiens venaient en France, cela pourrait peser dans les négociations annuelles entre les deux Etats à propos du programme.
Avec déjà une expérience de PVT en Australie dans la poche en 2010, Antonin décide de lâcher ses études en journalisme pour partir au Canada. A ses yeux, “la France est une impasse. Je ne vois pour l’instant aucun avenir ici. Je veux rester dans le journalisme. Mais la France ne réponds plus pas à mes attentes. Tant sur la qualité de l’enseignement que sur le climat qui règne dans ce pays.” Au Canada il estime que “l’ouverture des gens et le climat économique est aussi intéressante. La France est trop oppressante et j’aurais peur de gâcher ma vie a obtenir ce que je désire.”
Aujourd’hui il attends la troisième session avec un peu d’amertume. “Au vu de la procédure, je suis persuadé de ne pas l’avoir. Et probablement jamais. Même pour les prochaines années. C’est du pur hasard.”