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LASTDAYS

langue sauce piquante

Pâques aux points blancs

17 Avril 2014 Publié dans #langue sauce piquante

Pâques aux points blancs

Bientôt, sur cet écran... Pascoleros, Pintos, fariseos, Judas de paille... autres Pâques, Pâques indiennes... mais aussi “la fêlure du temps”... troisième et dernière partie de nos notes sur les Tarahumaras

Un Pascolero tarahumara

image saisie dans le film
"Los Pascoleros tarahumaras 85",
de Raymonde Carasco et Régis Hébraud, 1996

“Les Pascoleros dansent le jour de la résurrection, de pure joie.
Les fariseos gardent Judas jusqu'à ce que viennent les Pascoleros.”
(Erasmo, poète, musicien)

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Langue sauce piquante

17 Avril 2014 Publié dans #langue sauce piquante

Une dame un peu illuminée, bien connue pour sa manie de brandir la Bible – sans doute le seul livre qu'elle ait jamais lu –, et à se prendre pour le truchement en ligne directe du Bon Dieu, nourrit sur les homosexuels une évidente fixation, au sens psychanalytique de ce mot.
Cela conduit ladite dame à proférer des âneries bien plus souvent qu'à son tour – fort vite relayées par une AFP très friande.
Une de ses vitupérations, qui sent la poix des bûchers de l'Inquisition, vient d'être reprise le 11 avril par l'AFP, en ces termes : « L'homosexualité est une abomination. Mais pas la personne. Le péché n'est jamais acceptable, mais le pêcheur est toujours pardonné ».
Las, l'agence a mal relayé ces putrides propos, transformant les pécheurs en pêcheurs. Confusion fréquente. Que cette dame pêche en eau trouble ne devrait pas conduire le premier média en France à prendre le péché pour du fretin, ou l'inverse.
Il est vrai que pécher et pêcher (comme les substantifs correspondants pécheur et pêcheur) sont des homophones et des presque homonymes.
Le premier vient du verbe latin peccare (faillir) et le second, de piscare (pêcher). Si nous étions restés au latin, la confuse n'existerait pas. Mais voilà, l'évolution phonétique a fait de mots différents des quasi-jumeaux, des jumots, pourrait-on dire.
L'AFP, tel un oisillon, est tombée dans le panneau : prise dans les rets elle joint l'homophonie à l'homophobie.

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12 Avril 2014 , Rédigé par www.pincetonfrancais.b Publié dans #langue sauce piquante

Eh ben non. Navette n’est pas le féminin de navet, mais c’est un bon prétexte pour vous montrer comment le sens d’un mot peut évoluer par des analogies. Si vous préférez, qui se ressemble s’appelle de la même façon.

Navet vient du latin napus, qui veut justement dire navet, ce qui tombe très bien. Navette n’est pas dérivé de navet. Non, la navette, c’est une petite nef. Attendez, on va remettre les choses dans l’ordre.

Au début, il y a un mot latin, navis, qui signifie navire. Que peut-on bien en faire ? Navire, bien sûr. Navigation et navigateur sont de la même famille. En tordant un peu plus, on obtient nef.

Donc, une nef, dans son sens premier, c’est un navire. C’est ensuite la partie de l’église comprise entre le portail et le chœur. On lui a donné le nom de nef parce qu’avec un peu d’imagination, on peut y voir une coque de bateau renversée. Toujours par ce jeu de ressemblances, on appelle nef de façon plus générale un bâtiment, une pièce vaste et tout en longueur, bref, un espace qui fait penser à une nef d’église.

Bon, mais la navette, dans tout ça ? Pour former le mot navette, on a pris la racine du mot latin navis, c’est-à-dire nav-, et on lui a collé un suffixe diminutif, -ette. Autrement dit, la navette, c’est d’abord une nef en plus petit, c’est un mini-bateau. Au départ, c’est une pièce d’un métier à tisser, qui ressemble effectivement à une petite barque et navigue sans arrêt de droite à gauche et de gauche à droite. Par analogie, navette a fini par désigner un mouvement d’aller-retour et même tout ce qui oscille entre deux points : le bus qui va de la gare à l’aéroport, le véhicule spatial qui part de la Terre et y revient (en théorie).

Puisqu’on parle de navette, signalons un joli belgicisme. Pour se rendre au boulot, certains font la navette quotidiennement entre Bruxelles et la périphérie, ou bien entre la Belgique et le Luxembourg. On les appelle donc navetteurs (à prononcer nafteur), et c’est logique. En Suisse, on les appelle pendulaires et c’est chouette aussi.


Un jeu instructif

Essaye toi aussi de reconnaître la navette et le navet sur la photo ci-dessus.

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By the way, where is the Lim’ ?

10 Avril 2014 Publié dans #langue sauce piquante

répondez, please

ah oui ?

Alors en avant et “Be Lim” à donf, comme le proclame un site 100 % limousin.

* However, remarquons la résistance de la typo française dans cette campagne de pub' : l'espace avant le ? et le !...

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Madone au cobra

8 Avril 2014 Publié dans #langue sauce piquante

Lady Diana Wynham avait allongé sur un cube de velours havane ses jolies jambes, moulées dans les fuseaux arachnéens de deux 44 fin. Son buste était caché derrière le paravent blanc du Times éployé entre ses bras nus. Ses petits pieds s'agitaient dans leurs souliers de brocart cerise et argent et menaçaient l'équilibre d'une tasse en pur Wedgwood, tangente à sa cheville nerveuse.
(les premières lignes de La Madone des sleepings)

Maurice Tessier, alias Maurice Dekobra, en 1927 (source : BnF)

Dans son édition du week-end, datée dimanche 6-lundi 7 avril, Le Monde.print avait inséré deux feuilles à la gloire de l'Orient-Express, ce train d'aventures rêveusement luxueuses auquel l'Institut du monde arabe consacre une expo'.

Dans le préambule, est cité La Madone des sleepings*, le roman “de Maurice Decobra”, lit-on, une coquille fort heureusement non venimeuse, mais rendons au “cobra” de Maurice ce “k” qui faisait tout le mystère de son pseudo'.

*... dont il est dit que les aventures de son héroïne, Lady Diana Wynham, sont “tombées fort logiquement dans l'oubli”. Pourquoi fort logiquement” ? Il y a du style, de la finesse dans les pages de cette Madone.

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du jussif au jouissif

7 Avril 2014 Publié dans #langue sauce piquante

"Jouissance", Skwak.

Nous n'avons pas manqué de noter l'intérêt et même le plaisir — osons la jouissance — suscités par l'apparition du mot jussif dans une note précédente. Pour l'un, il a fait l'effet de la petite madeleine de Proust, pour d'autres, il a procuré la simple joie de la découverte.
Ce mot ne figure pas dans les dictionnaires courants. Il vient du verbe latin jubere, "ordonner", et plus précisément de son supin, jussum, qui a aussi donné en français jussion, "ordre", lequel n'est pas inconnu desdits dictionnaires.
Jussif appartient surtout à grammaire et linguistique. Dans une langue, relève du jussif tout ce qui permet d'exprimer une injonction. En français, le mode impératif est jussif, évidemment, mais un infinitif peut l'être aussi, comme dans les formulaires où figure "signer ici", un subjonctif ("qu'on le fasse entrer"), ou un substantif : "silence".
Entraînés par notre élan, nous pourrions aussi évoquer des notions proches comme le cohortatif, ou l'hortatif. Point trop n'en faut : à chaque jour suffit sa peine. Nous risquerions de passer trop vite du jouissif à l'orgastique.

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« Seul dans Berlin » et bientôt seul… dans Paris ?

1 Avril 2014 Publié dans #langue sauce piquante

Une nouvelle traduction de Seul dans Berlin, d'Hans Fallada, a récemment été publiée aux éditions Denoël*.
Il s'agit pour la première fois de la version intégrale de ce roman extraordinaire écrit en quelques semaines et paru en Allemagne en 1946, sous le titre Jeder stirbt für sich allein ("on est seul quand on meurt", traduction approximative).

Cet ouvrage était une commande des autorités d'occupation soviétiques, qui fournirent à l'auteur le dossier de la Gestapo sur un couple d'ouvriers berlinois pourtant sans histoires et partisan du régime, Elise et Otto Hampe ; ce couple déclara sa guerre personnelle à Hitler après l'annonce de la mort de son fils unique lors de la campagne de France.
Avec des précautions infinies, ils laissaient des tracts manuscrits dans des endroits passants, déclenchant une chasse policière méthodique. Un appareil d'Etat féroce et démesuré aux trousses de deux ouvriers sans aucune expérience de la clandestinité, mus par leur chagrin et le sentiment d'avoir été floués, trahis toute leur existence.
Le tout dans l'ambiance crépusculaire d'un Berlin où chaque immeuble est mis en coupe réglée par les petits caïds nazis. Il y a du 1984 d'Orwell dans ce livre, façon de dire que son issue est aussi tragique. Et qu'il touche à l'universel : comment ne jamais se soumettre devant une dictature, aussi implacable fût-elle. Disons aussi qu'il illustre bien ce fait : la première victime du nazisme fut le peuple allemand.

Il faut lire et faire lire ce livre. Que l'on nous pardonne cet inhabituel ton jussif, mais si nous devions avoir de l'influence une seule fois, que cela soit celle-là. Et puis, l'évolution du monde étant ce qu'elle est, avec la montée quasi universelle de la noire réaction, qui sait ? bientôt viendra le tour de chacun de se sentir seul dans... sa ville ?

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* traduit de l'allemand par Laurence Courtois.

« Seul dans Berlin » et bientôt seul… dans Paris ?
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les ailes de Désir

28 Mars 2014 Publié dans #langue sauce piquante

Nous lisons dans Le Monde du 26 mars, en page 23, que le “peuple de gauche” (nos guillemets exprimant à la fois la citation et la prise de distance) “paraît aujourd'hui atomisé et volatile”. Pourtant, entendre Hollande, Ayrault(port) ou Désir ne fait pas pousser des ailes.

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Il fallait lire, bien sûr, “volatil”, comme un gaz. Quant à “atomisé”, on peut le lire de deux façons : comme abasourdi, mais plus sûrement comme éparpillé ; étymologiquement ce mot vient du grec “atomos” (non coupé, puis que l'on ne peut couper, indivisible).
Le cycle historique du PS est accompli : du temps lointain où il était un fleuron du mouvement ouvrier, il se proposait de faire tomber toutes les barrières entre les opprimés pour qu'ils prennent conscience de leur force collective. Un peu plus d'un siècle après sa création, il a obtenu l'effet exactement inverse : le “peuple” est “atomisé”. Prêt pour la compétition. Prêt pour la guerre de chacun contre tous. Comme en 14.

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langue française, l’éternel come-back des pleureuses

27 Mars 2014 Publié dans #langue sauce piquante

"Une" en panique du Parisien, lundi 9, sous forme de question rhétorique* : "Do you speak encore français ?" annonçant deux pages sur les "anglicismes [qui] envahissent notre vie quotidienne".
Quand on nous parle d'invasion, il faut toujours faire gaffe. Lesdites pages étaient d'ailleurs moins alarmistes et rappelaient notamment que beaucoup de termes anglo-saxons sont bien plus expressifs que leurs éventuels équivalents bien de chez nous ; d'où leur succès et leur "importation" légitime en français.
Les voix autorisées ont beau rappeler que cette "invasion" est réciproque et la syntaxe peu touchée, seulement le vocabulaire, que l'utilisation d'un mot anglais alors même que son équivalent français existe est plutôt un enrichissement, rien n'y fait, il faut pleurer sur la grandeur disparue de la langue et sa pureté perdue. Eh bien, pleurez donc.
Il est certain que les mots empruntés à d'autres langues ne sont plus francisés : ni orthographiquement ni par la prononciation. A la communale, quand notre instituteur nous parlait des cove-bois (les cow-boys), cela nous faisait rigoler (il n'avait quand même pas osé parler de "vachers"). Il était déjà lointain le temps où le packet-boat anglais devenait notre paquebot, pour ne prendre que cet exemple.
Qu'elle est lointaine, aussi, l'époque du français conquérant, langue des "élites" internationales, de la diplomatie et de la culture, prétendument la plus à même d'exprimer la pensée (cf Rivarol et son Discours sur l'universalité de la langue française), et portée par un Etat non moins conquérant. Il faut se faire à l'idée que la France n'est plus qu'une puissance de seconde zone. Et surtout que rien n'est immortel : tout en ce monde naît, se développe... et trépasse.
Message aux pleureuses : n'allez pas plus vite que la musique : avant de sortir vos mouchoirs, attendez au moins que le décès soit dûment constaté.

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* dont on connaît la réponse.

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Traduction siou plaît !

20 Mars 2014 Publié dans #langue sauce piquante

Et c'est r'parti (comme en 14... mais nous n'allons pas la refaire toute l'année) ! Se fendre d'une traduction des titres de films, notamment lorsqu'ils portent des titres en anglais * ? quelle idée ! Preuve supplémentaire avec celui ci-dessous, aux corps (de caractères) écrasants (pas la peine de nous asséner ce NOW en pleins yeux, nous avons bien compris que les traducteurs sont de sortie). Notons que les scénaristes de cet opus (terme affectionné par la presse) sont les mêmes que pour les (500) jours ensemble, ainsi qu'il est indiqué sur l'affiche. Pourquoi traduire l'un et pas l'autre ? ces mystères nous dépassent.

Traduction siou plaît !
Traduction siou plaît !
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De l’armoire comme un gouffre soyeux

19 Mars 2014 Publié dans #langue sauce piquante

« Je n'ai pas eu la déconvenue de la Claudine de Colette avec son “presbytère”. Pour elle, c'était l'autre nom d'un escargot rayé : “Regarde, dit-elle un jour à sa mère, le joli presbytère que j'ai trouvé !”... jusqu'à ce qu'on lui dise qu'il s'agissait de la maison du curé. Enfant, les mots prenaient pour moi un autre sens que celui des dictionnaires, c'était ma fantaisie, et à ce jeu mes parents ne mettaient aucune entrave. Un exemple : le mot “armoire” ; son sens me surprenait. Dans ce mot, je ressentais la dureté du début, “ar”, la dureté du “r”, et la douceur, le soyeux, le glissant de la moire ; pour moi, “armoire” était un gouffre dur dont on ne savait si on y trouverait le noir épais (moire/noir) ou la douceur, le soyeux, la lumière. » Qui parle ? Françoise Héritier, anthropologue, ethnologue, professeure honoraire au Collège de France, venue parler ce soir du 17 mars au CNL de son livre Le Goût des mots, en cette Semaine de la langue française.

Dégagée des contingences universitaires, la voilà reprenant son jeu d'enfant, retrouvant “la présence possible de ce que nomment” les mots (Yves Bonnefoy), le lilas “frais en bouche”, la jalousie qui “siffle dans les herbes rampantes”, la serpillière en “couleuvre irisée”, l'osso bucco comme “un corps écartelé”...D'ailleurs Xavier North, délégué général à la langue française et aux langues de France, qui s'entretenait avec l'invitée, évoqua sa recréation, enfant, de l'édit de Nantes si fameusement révoqué : il ne pouvait être pour lui, absolument, que “lady de Nantes”. Joli, joli.

Dans l'entrée du CNL, levez les yeux...

Près de finir de parler, l'ethnologue nous propose une devinette toute en virelangue : “Que veut dire cette phrase ?” Nous ne l'avons pas notée, la phrase, et n'avons pas trouvé non plus la solution. C'était pourtant simple : une phrase en français dite assez vite mais où l'on avait supprimé tous les articles. Essayez donc...

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Kev Copé ou Jean-François Adams ?

13 Mars 2014 , Rédigé par Kitano Publié dans #langue sauce piquante

Avouons-le : nous ne connaissons ni d'Eve ni d'Adam Kev Adams, acteur. En revanche, l'homme du pain au chocolat, nous avons nommé JFC, comment ignorer ses nom et visage dont les médias nous abreuvent jusqu'à plus soif ?

Par la magie d'une petite erreur de manip' sur iTélé, les voici tous deux réunis ; Copé “acteur”, bien vu.

Jean-François Adams

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scoop : le pape quitte l’Église !

13 Mars 2014 Publié dans #langue sauce piquante

Le 17 mars 2013, après son élection, le nouveau pape avait célébré sa première messe dans une petite église sise au Vatican. Puis il en était sorti : événement que Lemonde.fr relata en ces termes : "Après avoir quitté l'Église, le pape est de nouveau sorti dans la rue."
Un internaute facétieux, Éric B., ne manqua pas de remarquer alors : si même le pape "quitte l'Église"...
La majuscule fut promptement descendue et tout revint dans l'ordre, à la triste réalité, plutôt. Car l'emploi de la majuscule impliquait un événement inouï : le pape, sitôt élu, non seulement quittait ses nouvelles fonctions mais aussi l'Église catholique.
On imagine sa première déclaration à la presse : "Qu'ils se débrouillent sans moi. Je ne me vois pas passer le reste de mes jours, en robe, à raconter toujours les mêmes âneries."

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église sans la cap : c'est l'édifice ; Église (ou Eglise) avec la cap, c'est l'institution. La typo, c'est pas sorcier.

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Charlemagne attrapé par la queue

12 Mars 2014 Publié dans #langue sauce piquante

Dans la préface de la Vie de Charlemagne (Vita Karoli en latin) écrite au IXe siècle de notre ère par Eginhard et dont une nouvelle édition bilingue latin-français vient d'être publiée par Les Belles Lettres, on en apprend de belles : Charles le Grand ayant eu un grand penchant pour la gent féminine et s'étant adjoint plusieurs concubines en sus de ses légitimes, un auteur du temps, l'ecclésiastique Heito, l'avait décrit après sa mort le sexe pris en gueule par un animal. Il était ainsi puni dans l'au-delà par où il avait péché de son vivant. Et voilà que le rédacteur de l'appareil critique de ce bel ouvrage des Belles Lettres estime ensuite dans une note (page 7) qu'Eginhard n'avait pas "tiré partie (...) de la Chronique de Frédégaire". Tirer partie, cela fait mal à celui qui est l'objet de l'action. Il est préférable de tirer parti. La faute est fréquente, et nous lui avions même consacré une note (tirer partie ? aïe !). Il n'empêche, il est plutôt surprenant de la trouver dans un tel ouvrage de qualité dont le prix en fait presque un objet de luxe (et, un peu, de luxure). Soyons indulgent : sans doute son auteur fut-il vivement impressionné par cette dégustation peu commune de la verge impériale.

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quand Europe dégrafait sa ceinture

10 Mars 2014 Publié dans #langue sauce piquante

Nous avons appris jeudi 31 janvier, sur le site du Monde, dans un papier intitulé "Le chômage stable en zone euro", que le nombre de chômeurs, avec la crise, s'accroissait principalement dans les pays de la périphérie de l'Europe.
Nous croyions — nous l'a-t-on assez répété — que le monde s'était réduit aux dimensions d'un village global. Force est de constater qu'il y a encore bien loin de la périphérie vers le centre : il est préférable pour un Terrien de vivre dans le centre dudit village plutôt qu'à sa périphérie.
Mais nous désirions surtout parler des trois mots d'origine grecque que nous avons rubriqués. Le blogueur connaîtra un vertige certain en considérant qu'ils le contemplent du haut de leur grande antiquité, et qu'ils ont à peine changé de sens au travers des siècles, même passant du grec à d'autres idiomes. Voilà de quoi rasséréner les ilotes que nous sommes : à l'heure où tout semble vaciller, cette pérennité sémantique offre au moins un repère à quoi se raccrocher.
Et maintenant, pour ceux qui auront été alléchés par ce qui précède, quelques définitions.

Zone : du grec ancien zoni. Ce mot signifie "ceinture". Puis, par extension "taille", "démarche", "allure". Puis, surtout, "région terrestre ou céleste". Et enfin, du point de vue médical, "zona". Quand une femme "déliait sa ceinture", au temps de Périclès, et même bien avant, c'était la promesse du septième ciel.
Voir notre note "attachez ceinture, nous arrivons sur zone".

Crise : du grec krisis. Parmi ses nombreux sens, ce mot signifie "phase décisive d'une maladie", et donc "crise". Parmi ses sens principaux : "action de distinguer", d'où "choix", "élection", puis "action de séparer", d'où "contestation" et "lutte". Enfin, "décision", "jugement", "dénouement".

Périphérie : du grec peripheria. Qui signifie... "périphérie", "circonférence". Puis "partie d'un cercle", "rondeur", le "fait de sortir du droit chemin", d'où "erreur".

Nous aurions pu parler aussi d'Europe, la fille d'Agénor, et de sa zone, mais nous ne voulons pas céder au facile et au graveleux. Europe a dû dégrafer sa ceinture pour Zeus, les ilotes d'Europe sont invités, eux, à se serrer la ceinture, et ce n'est certes pas le prélude au septième ciel.

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Journée des femmes ou du coq ?

9 Mars 2014 Publié dans #langue sauce piquante

Ah ! cette douce entrée FEMME dans le Grand dictionnaire universel du XIXe siècle de Pierre Larousse... Comme en une forêt profonde, il faut s'y enfoncer pour s'étonner davantage, pas à pas, ligne à ligne, de ce qu'on y trouve. Arrivés au sous-“chapitre” concernant les femmes “de la race nègre”, voici que s'ouvrent à nous des petites lèvres semblant se développer comme des lianes toujours plus robustes : “les petites lèvres et le clitoris présentent un tel développement que, dans plusieurs contrées, on en pratique l'excision” (ah ! c'était donc ça ! une simple question d'encombrement ...).

Puis, Monsieur Larousse, se délectant de ces développements de jungle, cite le nommé Sonnini, auteur d'un Voyage en Egypte, voyage qui ne laissa pas de l'amener aux découvertes anatomiques les plus fantastiques : “C'est également un caractère particulier aux femmes d'origine égyptienne ou copte, de porter au pubis une excroissance charnue, épaisse, flasque et pendante, recouverte de peau ; on s'en formera une idée assez juste, si on la compare, pour la grosseur, et même pour la forme, à la caroncule pendante dont le bec du coq d'Inde est chargé.” Quel drôle d'animâle, tout de même, la femelle.

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l’UMP est-elle abandonnée de Dieu ?

9 Mars 2014 Publié dans #langue sauce piquante

Nous lûmes – et certains d'entre vous, lecteurs, lûtes –, dans Libé du 5 mars, en page 6, que pour Marisol Touraine, l'UMP est en état de "déréliction".
Qu'est-ce donc que cette déréliction (emprunt moderne au latin derelictio, "abandon") ?
La sonorité des mots étant bien souvent traîtresse, on imaginerait bien ce terme littéraire et rare en désintégration, désagrégation, liquéfaction, décomposition, mais ce n'est pas son sens.
D'après Larousse, c'est un "sentiment d'abandon et de solitude morale". Pour Robert, ce terme appartient au vocabulaire religieux : "Etat de l'homme qui se sent abandonné, isolé, privé de tout secours divin", avec comme synonyme délaissement. Le cri de déréliction le plus connu est celui du Christ sur la croix : "Mon père, mon père, pourquoi m'as-tu abandonné ?"
Comme nous ne ferons pas l'injure à la ministre des affaires sociales et de la santé de subodorer qu'elle ignore le vrai sens du mot, on ne peut que s'interroger sur ce qu'elle a vraiment voulu dire.
Peut-être pensait-elle à Copé, dirigeant de l'UMP, tout dans sa Solitude du coureur de fonds ? ou à Sarkozy, plein d'amertume pour son ex-gourou : "Buisson, Buisson, pourquoi m'as-tu enregistré ?"

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le Monde.fr fait sa révo typo (novembre 2013)

8 Mars 2014 Publié dans #langue sauce piquante

Tout arrive à qui sait attendre. Le site du Monde avait opté à ses débuts pour une typo minimale et étriquée, avec notamment les guillemets "machine", encore appelés "droits", raides comme la justice, les plus laids et les moins expressifs, car l'ouvrant et le fermant ne se distinguent pas. Ce qui provoquait une dichotomie avec la typo du papier (ou du print, c'est plus flashy), qui utilisait les guillemets dits français, en association avec les guillemets dits anglais pour les citations à l'intérieur d'une citation. Le site vient de s'aligner sur la façon de procéder du papier, ce que beaucoup de lecteurs n'ont pas manqué de remarquer. Mais stop, avant d'aller plus loin, voici un petit tableau récapitulatif de ces trois types de guillemets (il en existe d'autres), que nous nommerons désormais "guil" pour aller plus vite.

Les machine : "guil" (collés au mot, l'ouvrant et le fermant sont identiques ; ce sont ceux de ce blog, pour le moment)
Les français : « guil » (deux fois deux chevrons, séparés du mot par une espace fine)
Les anglais : “guil” (aussi collés au mot, l'ouvrant et le fermant sont différents)

Voici un exemple pour illustrer notre propos, un court extrait d'un papier du Monde daté 27 novembre :
« La principale mesure reste la pénalisation des clients. C'est un chantage assez malhonnête que de dire “on abolit le racolage passif d'un côté mais on pénalise les clients de l'autre” », critique l'élu, etc.
Jusqu'à présent, sur le site, cette combinaison serait devenue :
"La principale mesure reste la pénalisation des clients. C'est un chantage assez malhonnête que de dire 'on abolit le racolage passif d'un côté mais on pénalise les clients de l'autre'", critique l'élu, etc.

C'était plus court mais nettement moins lisible, surtout quand la fin de la citation dans la citation donnait une suite fâcheuse de trois bâtons. Saluons ce progrès. Avantage du double chevron : il ne colle pas au mot ou à la phrase, il l'enveloppe, grâce à l'espace qui vient s'interposer entre eux. Ajoutons que, placé au pied de la ligne, il est plus lisible que les machine et anglais, alignés sur la lettre la plus haute.
Mais, grave problème, avec les chevrons ou guil français, il faut "gérer" les espaces. C'est facile sur le papier. Ça l'est moins sur Internet. Nous n'avons pas fini de voir des guil français orphelins perdus en fin de ligne, pour les ouvrants, ou en début de ligne, pour les fermants.
Chacun l'a éprouvé, la perfection n'est pas de ce monde, avec ou sans majuscule.

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embusqué

6 Mars 2014 Publié dans #langue sauce piquante

embuscade : emprunté à l'italien imboscata, participe passé du verbe imboscare, “cacher dans un bois” ; de bosco, bois. Le terme d'embusqué est sorti de ce bois-là.

Qu'est-ce qu'un embusqué en 14-18 ? l'homme resté “à l'arrière”, loin du front. Une chair sans canon pour la déchiqueter, allant et venant librement dans les rues ? impensable ! Le 17 août 1915, fut promulguée par le ministre de la guerre Alexandre Millerand la loi Dalbiez, du nom du député radical-socialiste  des Pyrénées-Orientales Victor Dalbiez. Une loi “assurant la juste répartition et une meilleure utilisation des hommes mobilisés ou mobilisables”. En langage clair, vu l'hémorragie d'hommes sur les lignes de front, la chasse aux réformés, les “embusqués” en somme, s'ouvrait.

L'un d'eux prit des notes sur ces années. Aurèle Patorni, “réformé en temps de paix pour faiblesse de constitution”, et avant d'être affecté comme garde-voie à la gare de Pantin (Seine-Saint-Denis), sera “versé dans l'auxiliaire : “Je suis affecté au ministère de la Guerre. Scribe... Est-ce bien noble ? Ne dois-je pas me sacrifier à la patrie ? Les journaux écrivent que les blessés demandent à retourner au front, qu'ils arrachent leurs bandages et s'enfuient de leur couche. Je me suis traité de poltron, mais je me suis pardonné ma lâcheté en allant visiter un de mes amis, ardent patriote. Il avait, pour cause de migraine, un bandeau sur la tête.
Et il n'a pas arraché son bandeau.”

Patorni prend des notes d'embusqué *, donc, puisque c'est ainsi qu'on les montre du doigt, tentant de garder la tête froide face aux assauts incessants du patriotisme : « Je veux rester persuadé, malgré tout ce que je lirai, que M. Maurice Barrès (député de Paris, ardent nationaliste, surnommé "le rossignol des carnages" par Romain Rolland) n'est pas mort pour la France. » Non seulement pas mort pour la France, mais de plus... immortel, enfin, presque...

Patorni, qui deviendra libraire (91, rue La Boétie, Paris 16e) après la guerre, écoute et note ce qui sort, à l'arrière, de la bouche des ordinaires va-t'en-guerre, comme ce jour-là, à Pantin, lors d'un “raid de Gothas” : Si c'est pas honteux de taper sur des gens qui ne leur ont rien fait ! Et une matrone plus ardente que les autres s'écrie vers le moteur aérien qu'elle entend : — Allez donc taper au front, tas de lâches !

* Notes d'un embusqué, d'Aurèle Patorni, notes et postface par Eric Dussert, éditions Mille et Une Nuits, 3 euros

embusqué
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Arirang, arirang, arariyo…”

5 Mars 2014 Publié dans #langue sauce piquante

“Arirang est, dans l'acception la plus usuelle, le nom d'une colline, quelque part en Corée, on ne sait où, c'est-à-dire un peu partout, d'où le nombre de variantes locales... Il y a ainsi à Séoul un quartier pentu qui s'appelle Arirang”, explique Hervé Péjaudier, écrivain et traducteur, à propos de cette chanson, Arirang, une des très nombreuses en Corée qui font la richesse du minyo, le chant populaire transmis oralement, et qui sera interprétée à Paris par deux chanteuses “trésors vivants” en ouverture du Festival de l'imaginaire *. Donc, une colline, on ne sait où, qu'il faut franchir, “avec la symbolique existentielle que cela suppose”. “Arirang, arirang, arariyo...”

Quel nom mettre sur ce sentiment irriguant le chant au refrain lancinant ? “Arirang, arirang, arariyo...” Ce sentiment, “si indescriptiblement coréen qu'on le considère généralement comme intraduisible”, c'est le han

Ecoutons le traducteur... “Ah, le han ! On le paraphrase souvent comme un mal-être profond identitaire, enraciné dans les profondeurs d'un peuple dont les origines remontent à deux millénaires avant notre ère, lorsque le fils de l'ourse et du dieu du ciel fonda la Corée ; han, c'est à la fois le peuple coréen dans son ensemble et cette souffrance de l'âme coréenne. On rapproche parfois cet intraduisible sentiment de la saudade ou du blues...

Ce mal-être est complexe, mélange de haine de soi et d'accablement face à la destinée. C'est aussi un fourre-tout pratique à appliquer à toutes les difficultés des temps, politiques, écologiques, sociales... Et le déchirement des deux Corées a certainement vivement réactivé ce sentiment.”

Le han est une boule de chagrin qui enfle à force d'échecs répétés dans une vie où ils s'accumulent obstinément, une vie à qui est ainsi interdit tout développement normal et tout épanouissement, ce qui fait naître en elle
ce sentiment unique
.
(le poète Kim Chi-ha, né en 1941)

* * *

* Le concert Arirang aura lieu le vendredi 7 mars (20 h) et le samedi 8 mars (19 h) à la Maison des cultures du monde, 101, boulevard Raspail, Paris 6e. On n'y entendra pas seulement la mélancolie de ce chant. Seront aussi interprétées des japka (“chants divers”), chansons, développe Hervé, “où se mêlent poésie de bric et de broc, souvenirs de poésie chinoise et de p'ansori, fatras à l'origine destinés à faire rire en fin de soirée, très en vogue encore au début du XXe siècle, mais qui se sont peu à peu fixés et patrimonialisés”.
Les surtitrages lors de ces soirées sont l'œuvre de Han Yumi, traductrice et enseignante, et Hervé Péjaudier.

Lundi 10 mars, à 19 h 30, au même endroit (entrée libre) :
“En chamanisme coréen, mystères et particularités”, par Alexandre Guillemoz, directeur d’études émérite à l’Ecole des hautes études en sciences sociales.

Puis, mercredi 2 avril, à 18 h 30, “Arirang dans tous ses états”, une conférence-spectacle (entrée libre aussi) par Han Yumi et Hervé Péjaudier, au Centre culturel coréen, à Paris.

Arirang, arirang, arariyo…”
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