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LASTDAYS

Garde à vue : «J’ai dû me mettre toute nue»

11 Février 2010 , Rédigé par Kitano

Le nombre de personnes retenues au poste a doublé depuis 2002. Souvent humiliées pour des broutilles. Témoignages.


L’inflation des gardes à vue, les «GAV» en jargon policier, a dévoyé l’esprit de la loi qui les conditionnait aux «nécessités de l’enquête» et les réservait aux véritables délinquants et criminels. Passées à 578 000 en 2009, les GAV officielles ont été multipliées par deux depuis l’arrivée de Nicolas Sarkozy au ministère de l’Intérieur en 2002. Et les «officieuses» pour infractions routières ont été évaluées à 250 000 par Matthieu Aron dans son livre Gardés à vue (1). Soit «18 fois plus que les 14 000 GAV de cambrioleurs». Sans compter les fêtards et les pochtrons ramassés pour «ivresse publique et manifeste» qui sont retenus des heures en «cellule de dégrisement». Le journaliste de France Info a compté 900 000 gardes à vue par an en France et outre-mer. L’Intérieur a fini par admettre qu’il y en avait eu 800 000 avec «les routières». Le commun des mortels peut se retrouver au poste pour des broutilles, fouillé, mis à nu, et enfermé des heures dans une geôle ou «cage» de GAV souvent surpeuplée et immonde.

 

Matthieu, 21 ans gardé dix-sept heures pour 7 grammes d’herbe

Au printemps 2009, Matthieu, 21 ans, «fume tranquillement un joint» dans un parc d’Issy-les-Moulineaux. A 17 h 45, contrôle et palpation. Les policiers trouvent 7 grammes d’herbe dans ses poches. Arrivé au poste, «j’ai eu droit à la totale, à poil. Ils ont même vérifié si j’avais pas de la "beu" cachée dans les fesses». Trente minutes d’interrogatoire : «Tu l’as achetée à qui ta came ?» Une nuit en cellule avec «une couverture» et «une clope gratis» mais trop de bruit pour dormir. Il a été libéré à 11 heures, au bout de dix-sept heures de GAV pour rien. Le parquet de Nanterre a passé l’éponge. En 2009, 54 000 usagers de stupéfiants, dont 90% de cannabis, ont ainsi été placés en garde à vue.

 

Monique, 69 ans mise à nu pour une erreur de chéquier

La BNP leur ayant remis par erreur le chéquier d’un autre client, René, 70 ans et Monique, 69 ans, l’ont utilisé sans faire attention, et ont été placés en garde à vue en octobre 2007 au commissariat d’Athis-Mons. Le retraité a dû se déshabiller mais a pu garder son slip pour la palpation. Sa femme a dû se dénuder devant deux gardiennes, donner son soutien-gorge, sa culotte et ses lunettes qui ont été confisquées. La Commission nationale de déontologie de la sécurité (CNDS) a dénoncé ces «fouilles intégrales, inutiles et vexatoires».

 

Lisa, 18 ans «traitée comme une merde» pour vol à l’étalage

Ce ne sont pas les braqueurs qui encombrent les «geôles» de garde à vue mais les petits voleurs à l’étalage : 23 500 en 2008. Lisa, 18 ans, étudiante, a été repérée par les vigiles d’un Monoprix du XIe arrondissement de Paris qui ont appelé la police. Elle est restée en garde à vue toute la nuit. «J’ai été menottée à une chaise. J’ai dû me mettre toute nue avec juste un tee-shirt. Ils ont gardé mon soutien-gorge et mon collant alors que j’étais en short, l’horreur ! Je n’étais même pas épilée», témoigne Lisa dans Gardés à vue. En cellule, elle a vomi mais n’a pas eu de serviette pour s’essuyer. Ses envies d’aller faire pipi exprimées en tapant contre la porte n’ont pas été entendues : «J’ai été traitée comme une merde.»Lisa a eu un rappel à la loi.

 

M. casqué et menotté en cellule de dégrisement

La CNDS a demandé des comptes au ministère de l’Intérieur sur le «traitement inhumain et dégradant» d’un homme d’origine malienne au commissariat de Strasbourg, en septembre 2006. Embarqué après une altercation devant un bar, M., «ivre et agité» selon les policiers, a été placé en geôle de dégrisement. Le sous-brigadier G., qui l’a entendu taper dans la porte et «faire le bazar», lui a menotté les poignets et les chevilles ensemble, puis lui a mis un casque de moto visière baissée. Soi-disant pour que «l’excité» se calme, «éviter qu’il se frappe la tête contre les murs» et donc «le protéger contre lui-même». L’homme, qui avait du mal à respirer, se «cognait sa tête contre le banc». La CNDS «regrette vivement que malgré la réaction de panique et d’angoisse qu’a entraînée la mise du casque sur M., aucun médecin n’ait été appelé et qu’il ait dû subir un tel traitement toute la nuit».

 

(1) Ed. Les Arènes, janvier 2010, 18,50 euros.

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A
Il y aurait largement matière pour écrire un bouquin similaire car l'on continue à embarquer des gens pour des broutilles.<br /> <br /> Octobre 2018, pas de chance d'être tombé sur une rageuse…<br /> https://www.sudouest.fr/2018/10/11/une-jeune-femme-scanne-mal-des-bocaux-a-la-caisse-d-ikea-elle-finit-en-garde-a-vue-5469977-4697.php<br /> <br /> À les humilier aussi…<br /> Décembre 2018<br /> https://www.revolutionpermanente.fr/Arrestation-preventive-50h-de-garde-a-vue-pour-une-paire-de-lunette-et-un-mini-fumigene<br /> <br /> Entre autres amabilités :<br /> "…c’est un homme qui a pris mon tatouage en photo, pendant que je cachais mes seins avec mon bras libre."<br /> Et quand dans un élan d'humanité un flic daigne lui répondre il se fait tomber dessus par les autres…
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K
L'article date de 2010, les pratiques ont peut-être changées !<br /> Depuis, le profil des personnes déshabillées a sûrement changé.
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A
On prend le risque de finir au poste quand on consomme et détient des produits illicites sur la voie publique, qu'on vole à l'étalage, etc. Les flics abusent peut-être mais il y a un moment où il faut arrêter un peu la pleurniche et assumer les conséquences de ses actes.
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K
<br /> bien entendu, dans les aéroports, ils demandent de vider les tubes de dentifrice ! Mais dans le cas d'un chéquier (même volé), on peut se poser une question.<br /> <br /> <br />
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E
<br /> Je vais me faire l'avocat du diable,si une personne a quelque chose a cacher,elle ne vas pas le montrer de son plein gré(mini briquet,indices,drogues...)la fouille a nu est alors necessaire.<br /> <br /> <br />
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K
<br /> aucune fâcherie. Le fait est que les personnes chargées de l'ordre commencent par perdre la notion de respect dans leur métier. Mais ce n'est pas une généralité.<br /> <br /> <br />
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E
<br /> Ne nous fachons pas c'est juste une discussion!!!!<br /> <br /> <br />
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K
<br /> BIEN SÛR MAIS POUR UNE ERREUR DE CHEQUIER ... les dérives sont nombreuses dans les GAV.<br /> <br /> <br />
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E
<br /> Oui bien sur mais c'est un mal necessaire<br /> <br /> <br />
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K
<br /> beaucoup de questions se posent sur les gardes  vue.<br /> <br /> <br />
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E
<br /> Mattyieu est il resté nu pendant l'interrogatoire qui a suivi la fouille ?Dans le cas des retraités pourquoi l'homme a pu garder son slip alors que sa femme a due se mettre toute nue et que sa<br /> culotte,soutien-gorge et même lunettes ont étées confisquées ? Il faudrait que la police harmonise ses methodes....<br /> <br /> <br />
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