MEMOIRES DE NOS PERES
Il y avait eu au début des années 90, cette trilogie en forme d’apogée d’une carrière (BIRD, IMPITOYABLE et bien entendu le mélodrame SUR LA ROUTE DE MADISON). Puis, on revint à du classique ou à du convenu. L’an dernier, les larmes pour MILLION DOLLAR BABY prouvait que l’on n’est jamais aussi doué que lorsque l’on sort des sentiers formatés. En ce début de XXIe siècle, CLINT EASTWOOD nous revient non pas avec un mais deux films qui traitent du même sujet mais de deux angles différents, ceux des ennemis : les Etats-Unis et le Japon pour la bataille de l’île d’IWO JIMA lors de la Deuxième Guerre mondiale. Sur les écrans, c’est MÉMOIRES DE NOS PERES en attendant 2007 pour LETTRES D’IWO JIMA.
Sur le fond comme sur la forme, que soit pour le scénario, pour les scènes de combats, pour le déroulement de l’histoire, rien ne sera linéaire. Ce n’est pas un synopsis déstructuré mais une vision qui va entrecroiser le présent, les retours en arrière et les sauts dans l’avenir, qui pendant tout le film nous montrera que faire la guerre même pour la liberté, c’est avant tout ne pas perdre la vie ou plutôt avoir la chance de ne pas la perdre.
Au départ, il y a cette photo, que tout américain connaît (ainsi que tout fan de catch de la wwe, lors du Jour des soldats, un clip nous montre cette statue) : 6 hommes en train de hisser le drapeau étoilé sur une colline japonaise. Et déjà, l’image fausse la réalité, car la photo prise est celle du deuxième drapeau que l’on hisse, le premier ayant été enlevé pour qu’il soit gardé en souvenir par un homme politique.
Avant que l’on ne soit sur cette île, il y a cet homme qui discute avec ces anciens combattants. Tout de suite, la référence avec BAND OF BROTHERS (Frères d’armes) vient en mémoire. Normal, à la fin le nom de Steven Spielberg apparaît en tant que producteur (avec Clint Eastwood). On y retrouve l’aspect témoignage (qui débutait la série), mais on se souvient aussi du film de Spielberg IL FAUT SAUVER LE SOLDAT RYAN pour les scènes de combat tout de même moins hyper réalistes. Moins mais réalistes, et comme on est sur une terre où se déroule une guerre, on souffre avec ces soldats. Il y a un côté non pas anti-militariste mais un aspect 'plus jamais cela' :un combat pour la liberté mais un combat est juste. Souvent on entendra, ‘en gagnant cette île, on sauve des vies’. Mais le leitmotiv principal du film est : « je ne suis pas un héros, ceux morts au champ de bataille oui».
Histoire d’amitié, de guerre, on se bat contre un ennemi que l’on ne verra presque jamais ou alors mort ou alors qui veut vous tuer. Mais ce n’est pas suffisant, c’est à une plongée en spirale qui va pour les trois personnages nous mener vers une humanité pas débarrassée de ces démons. A commencer par IRA, cet indien qui a hissé le drapeau et qui va être montré en héros, sans que le racisme ambiant ne change pour lui. Chacun a ses faiblesses, lui c’est l’alcool. A croire que dans la vie comme dans la guerre, il y a un destin. L'histoire va suivre ces 3 soldats survivants qui ont hissé le drapeau accédant au statut de héros qui vont être appelés pour des tournées, afin de récolter de l’argent finançant l’effort de guerre.
Car à l’origine de ce film, il y a un livre, celui du fils du Doc, qui est allé revoir les amis de guerre de son père. Le film prend une fois de plus du relief dans une des scènes finales qui rappelle MILLION DOLLAR BABY. On pense aussi à cette scène de PHILADELPHIA entre les deux frères à l’hôpital. Clint Eastwood arrive à faire la synthèse du passé pour être dans notre présent .
On peut se lancer à reconnaître Clint Eastwood, dans l’un des deux officiers dans l’ombre, qui encadre ces trois militaires. La mise en scène va suivre les changements de temps (présent, passé antérieur, retour vers le futur puis le passé et enfin le présent), en même temps qu’il y aura alternance des scènes studio telles que l’attente dans le bateau, celles des réceptions, celles de guerre réaliste, celle de la confidence des anciens combattants : autant de styles différents, comme le sont ses films précédents.
Clint Eastwood ne magnifie pas la guerre, pas plus que les combats ni le patriotisme. Il est à hauteur d’hommes. Le témoignage d’un homme de 76 ans qui comme dans l’image de MILLION DOLLAR BABY va quitter le monde (du cinéma) non sans avoir donné une des plus belles leçons non pas de cinéma mais de vie.