Pas de tarzans à Calais

calais.1246262336.jpgLa jungle, nous en avions déjà parlé. Aujourd’hui,

partons plutôt pour celle des villes, “les faubourgs nord de Calais, en bordure de la zone industrielle des Dunes”, chez “les habitants de la ‘jungle’, le plus grand bidonville de migrants du Nord - Pas-de-Calais, dominé par la communauté pachtoune originaire d’Afghanistan” (extraits de “La jungle des mal-lavés“, un article de Catherine Simon paru dans Le Monde daté 26 juin).

Mariam Abou Zahab, que connaissent les lecteurs de LSP, rebondit sur ce terme “jungle”, beaucoup utilisé, notamment par Le Monde, à propos de Calais”. Nous lui laissons la parole :


“Cela évoque pour les Français, dit-elle, la jungle dans laquelle évolue Tarzan au milieu des animaux sauvages, mais pour les natifs du sous-continent indien et de l’Afghanistan, ce terme recouvre autre chose, et il est passé dans l’anglais au XIXe siècle. Selon la définition qu’en donne l’indispensable Hobson-Jobson*, dictionnaire de termes indiens utilisés par les Britanniques (à l’époque de l’empire des Indes) publié en 1903 et constamment réédité depuis, ‘jungle’ est un terme sanscrit passé en hindi (et auparavant en persan et également utilisé au Turkestan) qui désigne à l’origine tout terrain vague ou en friche, un tel terrain recouvert d’arbustes et de buissons et en anglo-indien a fini par désigner la forêt ou tout bosquet ou zone où poussent des herbes folles et des buissons. C’est exactement le type de terrain sur lequel s’installent les migrants de Calais.”

Et elle poursuit : “L’adjectif dérivé ‘jungli’ (qu’on pourrait traduire par homme des bois), qui est péjoratif, est très couramment utilisé au Pakistan pour désigner des ruraux peu sophistiqués ainsi que la langue qu’ils parlent.”

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* Une précision supplémentaire, à propos de ce dictionnaire : Le Hobson-Jobson, c’est une mine d’informations (1 000 pages) et une lecture toujours passionnante. (…) Le nom de ce dictionnaire ne désigne pas les auteurs (comme la plupart de mes étudiants le pensent), mais les cérémonies de Moharram : il s’agit de la déformation par les soldats britanniques des lamentations chiites “Hussain, Hussain” scandées pendant les processions et qui sont devenues dans l’anglo-indien ‘Hobson Jobson’, terme qui a fini par désigner tout spectacle (tamasha).”

(illustration : “La plage de Calais”, Flickr/London Looks)

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