Overblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
LASTDAYS

Les marmottes attention, Boutxy est là !

27 Avril 2006 , Rédigé par Kitano Publié dans #Planète

Boutxy a faim. Et quand Boutxy a faim, rien ne lui résiste. Ni les clôtures ni la proximité des habitations. Ses dernières victimes recensées sont un bélier et un agneau retrouvés morts sur la commune d'Aston, en plein coeur des Pyrénées ariégeoises. L'ours a, semble-t-il, franchi la barrière et attrapé ses proies qu'il a dévorées au milieu d'un verger en fleurs, à moins de 20 m d'une maison.

 

Depuis qu'il est sorti d'hibernation, fin mars, Boutxy n'arrête pas. Au moins cinq prédations ovines et la destruction de sept ruches lui ont été imputées par les experts chargés de constater les dommages de l'ours. Il a d'abord attaqué à Miglos, puis à Siguer, Luzenac, Perles-et-Castelet, Orgeix, Merens et Aston, autant de villages où il s'est approché d'habitations comme si de rien n'était.

Alors que des équipes techniques s'apprêtent à partir pour la Slovénie afin de capturer cinq plantigrades destinés à être lâchés dans les Pyrénées, la "guerre de l'ours" semble monter en intensité semaine après semaine. Le 1er avril, une manifestation anti-ours a dégénéré à Arbas (Haute-Garonne), l'une des quatre communes d'accueil des futurs nouveaux venus. Dix personnes sont convoquées devant le tribunal correctionnel de Saint-Gaudens, le 20 juillet, pour violences volontaires et dégradation publique.

Les opposants à la cohabitation homme-ours ne comptent pas en rester là. D'autres "actions" sont prévues. L'une d'elles consistera-t-elle, un jour, à tuer un ours ? De nombreux éleveurs y pensent. S'il faut alors en choisir un, la cible est toute trouvée...

Des 14 à 18 plantigrades recensés dans le massif pyrénéen, Boutxy est, de loin, le plus prédateur. En 2005, 406 morts de brebis, d'agneaux et de béliers ont été imputées aux ours de façon certaine ou au bénéfice du doute sur l'ensemble de la chaîne.

L'Ariège est le département le plus touché avec 302 prédations. Plus de la moitié sont dues au seul Boutxy. Il faut dire que l'animal a battu tous les records un soir de juin en semant la panique parmi un troupeau situé sur l'estive d'Aston-Sénard : effrayées par le mammifère de plus de 200 kg, 160 bêtes se sont précipitées dans un ravin.

L'éleveur, Jean-Pierre Mirouze, a été indemnisé (166 euros par tête), mais ne décolère pas, un an plus tard : "Cette attaque a stressé mon troupeau qu'il a fallu redomestiquer. L'agnelage a également été affecté : je n'ai eu que 120 agneaux l'automne suivant au lieu de 280. Un manque à gagner que personne n'a indemnisé."

Vivre avec Boutxy est-il possible dans ces vallées ariégeoises éloignées de tout ? Certains ne le conçoivent pas. Comme Olivier Ralu, l'un des leaders du mouvement anti-ours. A l'instar de nombreux paysans du coin, cet éleveur de brebis tarasconnaises refuse les mesures de protection proposées par les pouvoirs publics : chien patou pour éloigner l'ours, clôtures pour regrouper les bêtes la nuit, gardiennage salarié, construction de cabanes de bergers...

Boutxy et ses congénères lui croquent 15 brebis par an. L'éleveur de Siguer accepte d'être indemnisé, parce qu'il ne peut pas se permettre de faire autrement : "Mais l'argent, on s'en fout ! Le lien qui existe entre la bête et l'éleveur ne peut pas être économique. On travaille sur du vivant. Un troupeau, c'est une création sur plusieurs générations, c'est de la génétique, une bête n'est pas standard... L'indemnisation ne peut pas remplacer tout cela."

Arsenio Barbosa a, lui, adopté l'ensemble du dispositif de protection. Résultat : quatre prédations seulement en six ans. Rasta et Solar, ses deux chiens patous, ont plusieurs fois repoussé l'ours. Récemment, ils ont aboyé quatre nuits consécutives car ils sentaient la présence de Boutxy, qui a fini par s'éloigner.

Eleveur et berger à la fois, Arsenio Barbosa n'est "ni pour ni contre l'ours", il ""vit avec" et maudit "ceux qui critiquent les mesures de protection sans les avoir jamais essayées".

Sa compagne, Catherine Brunet, coordinatrice d'une association de cohabitation pastorale financée par le ministère de l'environnement, a connu des déboires : pneus crevés, insultes taguées sur sa voiture... "De quel droit les éleveurs, qui ne représentent que 4 % de la population, auraient-ils le pouvoir de dire que l'ours n'a pas sa place dans les Pyrénées alors que cette décision a été prise par la société ?, lance-t-elle. Nous avons eu, sur notre estive, une prédation l'an dernier : nous n'en avons pas fait un cinéma pour autant. On a la chance de se faire indemniser. Je vous rappelle que l'agriculture est subventionnée à 80 %. Pourquoi ne pas accepter ces subventions supplémentaires et tolérer la présence de l'ours ? Pour moi, le fait de savoir qu'il n'est pas loin valorise mon métier".

Les prochaines attaques de Boutxy devraient attiser un peu plus le débat. Certains anti-ours aimeraient prouver qu'il est "déviant" pour le capturer légalement. Né en 1997 près de la commune de Boutx (d'où son nom), le fils de Mellba s'est retrouvé orphelin à l'âge de 7 mois après la mort de sa mère, tuée accidentellement par un chasseur. Est-ce pour cette raison qu'il s'approche des maisons en toute innocence, comme par manque d'éducation ?

Pour Alain Reynes, grand défenseur de l'ours en tant que directeur de l'Association pour le développement économique et touristique des Pyrénées centrales (ADET), Boutxy est d'abord "un ours très malin dans sa capacité à trouver ses ressources alimentaires : il agit toujours la nuit et toujours à proximité du couvert forestier, de telle sorte que personne ne le voie. Il développe des trésors d'astuce comme l'autre jour, quand il a trouvé la faille d'un enclos électrique en enjambant un muret. Il sait aussi garder ses distances avec l'homme". On ne saurait trop lui conseiller de continuer.

Partager cet article
Repost0
Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :
Commenter cet article