Aux grands hommes, la rentrée littéraire reconnaissante
29 Août 2014 Publié dans #Jérôme Garcin
L'an passé, à cette même période, Yann Moix n'avait pas assez de mille pages pour raconter sa «Naissance», Thomas Clerc inspectait chaque recoin de son petit appartement parisien, Dany Laferrière publiait le «Journal d'un écrivain en pyjama», Dominique Noguez évoquait sa folle passion pour un jeune homme, Pierre Jourde revenait dans le hameau auvergnat d'où on l'avait chassé, Belinda Cannone faisait le portrait de son père et Arnaud Viviant relatait ses journées de critique. J'en oublie. La dernière rentrée littéraire ressemblait à la galerie des Glaces.
Celle-ci a un air de grand bal masqué. Clara Dupont-Monod porte la robe d'Aliénor d'Aquitaine et Nelly Kaprièlian, le manteau rouge de Greta Garbo. Emmanuel Carrère se prend pour saint Luc, Eric Vuillard pour Buffalo Bill, Frédéric Beigbeder pour Salinger et François Bott pour Van Dongen, aux derniers jours de sa vie.
David Foenkinos est venu accompagné de la peintre Charlotte Salomon et Christophe Donner, d'une petite troupe cinéphilique où l'on reconnaît Berri, Pialat, Rohmer, Truffaut, Godard et Jean-Pierre Rassam. Patrick Deville débarque du Mexique avec Trotski et Frida Kahlo, Lydie Salvayre d'Espagne avec Bernanos et Malraux. Au buffet, on aperçoit aussi Aristote, Descartes, Presley, Zidane et Stephen King. Que du beau monde. (voir notre dossier sur "une Rentrée historique" dans "le Nouvel Observateur du 21 août).
Jamais on n'a vu tant d'écrivains français transformer des personnages réels en héros de romans et des figures historiques en figures de style. Comme si, en 2014, l'imagination préférait se déployer dans le passé que dans l'avenir et davantage avec des gens célèbres qu'avec des inconnus.
L'autofiction, qui a régné sans grand partage sur les dernières rentrées littéraires, aurait-elle donc vécu ? Non, bien sûr, mais on dirait qu'elle prend un coup de vieux. Son théoricien, Serge Doubrovsky, 86 ans, publie d'ailleurs chez Grasset «le Monstre», fac-similé du tapuscrit de 1700 pages écrit au début des années 1970. C'est passionnant. C'est illisible.
Jérôme Garcin
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